Gaëlle Baumann rend sa couronne
Par Général
dansElle a passé treize ans au sein du Team Winamax, et marqué de son empreinte le poker tricolore tout en perçant à l'international. Aujourd'hui, Gaëlle Baumann laisse le poker derrière elle. Les souvenirs resteront !
Nous sommes en juillet 2012. Gaëlle Baumann, jeune Française encore inconnue de la planète poker, voit sa formidable ascension sur le Main Event des World Series of Poker culminer en dixième position. À une place de devenir la première femme de l'histoire du poker moderne à accéder à la table finale du plus beau tournoi du monde. Treize ans plus tard, le souvenir reste vivace dans l'esprit de tous ceux qui l'ont vécu, au moment où Gaëlle Baumann referme son grand livre de souvenirs poker, et dit au revoir au Team Winamax, ainsi qu'au circuit professionnel."Je suis très heureuse d'avoir vécu cette aventure, je ne garde que des bons souvenirs de toutes ces années. J'avais 29 ans quand j'ai rejoint le Team. Il s'est passé tellement de choses !" Ce week-end, Gaëlle jouera son dernier tournoi en tant que membre du Team. Cela se passera à Dijon, sur un freeroll du Winamax Poker Tour. Une belle manière de boucler la boucle pour celle qui avait commencé à jouer au poker au sein d'une association...
Durant treize années bien remplies, Gaëlle a représenté la marque Winamax sur le circuit international avec classe et professionnalisme, sans jamais perdre le contact avec le milieu amateur. Peu importe qu'elle jouait pour un million d'euros sur un European Poker Tour, sur le KING5 en équipe avec ses potes de la Drôme, ou sur un freeroll WiPT, l'Alsacienne affichait le même enthousiasme. À compter d'aujourd'hui, c'est au passé qu'elle évoquera sa carrière de pro sponsorisée. Sans nostalgie ni regrets, car elle estime avoir fait le tour du sujet. Devant elle, plusieurs projets. Lesquels ? On va les évoquer. Mais avant ça, revenons un peu en arrière.
WSOP 2012 : le départ, le tournant
C'est certain : lorsque les historiens du poker évoqueront Gaëlle Baumann, ils feront beaucoup référence aux WSOP. C'est sur la plus grande scène de notre jeu préféré que l'Alsacienne s'est révélée, elle qui n'était alors qu'une novice à ce très haut niveau de compétition. Seulement cinq mois plus tôt, "O RLY" avait intégré le Team Winamax, après un passage remarqué et remarquable parmi la communauté des Limpers d'Alexandre Luneau et Sébastien Sabic. Six mois lui avaient suffi pour se bâtir une solide bankroll aux tables de cash game en ligne et s'établir comme une solide grindeuse, rare femme dans un milieu encore plus masculin qu'aujourd'hui, et faire d'elle une recrue de choix pour la marque au W rouge. "À l'époque où j'ai commencé le poker, Ludovic Lacay était mon idole, avoue maintenant Gaëlle. Je me souviens aussi avoir croisé une fois Michel Abécassis dans le métro, je n'avais même pas osé lui parler. Mais en les regardant, je me disais 'Je ferais tout pour être dans ce Team, et un jour, j'y serai !' Prendre leur place, c'était ça l'objectif."
Prise sous l'aile de Manuel Bevand, avec qui elle bataillait souvent en ligne ("On est ensuite devenus voisins à Londres"), la jeune grindeuse réussit sans mal son intégration dans l'équipe et entame sa transition vers le poker live. Son sang-froid et son talent cartes en main ne tardent pas à exploser à la face du monde. Mais à l'intérieur, ça bouillonne. "Tout s'est fait très vite, se remémore Gaëlle. J'ai enchaîné Deauville, Monaco – où je signe ma première place payée avec le Team – et Vegas. J'ai à peine eu le temps de croiser tout le monde." C'est "un peu paumée" qu'elle débarque dans le désert du Nevada, franchissant les (longues) journées de Main Event les unes après les autres. "Je n'ai pas compris ce qui m'arrivait. C'était d'autant plus compliqué qu'en venant du cash-game, je n'étais pas habituée à jouer et à supporter la pression pendant aussi longtemps." Une pression qui finira par la rattraper lors du septième jour de l'épreuve, alors que le monde du poker ne demandait qu'à la porter jusqu'à ce qui aurait été une place de November Nine historique. Au premier rang sur le banc de presse pour suivre cette perf' inoubliable, Benjo se rappelle de l'ambiance comme si c'était hier. "L'enthousiasme général a été hallucinant sur la dernière ligne droite. Malgré le décalage horaire, les messages de la communauté arrivaient en rafales pour demander des nouvelles, sans interruption, ça défilait à toute vitesse. Il n'y avait pas encore de streaming live, alors je tweetais toutes les mains, une par une. S'il y avait deux minutes qui passaient sans un nouveau Tweet, on se faisait engueuler !"
Gaëlle ne s'en est jamais cachée par la suite : malgré le gain mirobolant de presque 600 000 dollars, cette dixième place représente bel et bien son pire moment de poker... mais aussi, heureusement, le meilleur. "Pendant longtemps, j'ai beaucoup regretté la fin de mon tournoi. Mais avec le recul, je suis arrivée à me dire que j'avais fait du mieux que je pouvais avec le peu d'expérience que j'avais. Bien sûr que si c'était aujourd'hui, je jouerais mieux. Mais au final, je crois que je n'ai pas si mal géré." Surtout, finale ou pas, une star est née au Rio cet été-là. "Elle a imprimé direct une très grosse marque sur le circuit pro et pour Winamax, abonde le coach Stéphane Matheu. Cette perf', tout le monde s'en souvient. Ça l'a installée immédiatement comme un des membres les plus importants et les plus médiatisés de l'équipe."
À partir de là, année après année, chaque mouvement de Gaëlle Baumann sur le Main Event allait être scruté de près par les caméras d'une télévision américaine trop heureuse de retrouver sa chouchoute. Une histoire d'amour qui perdurera via un nouveau deep run quatre ans plus tard achevé aux portes du Top 100, encore avec le titre honorifique de Last Woman Standing. Il ne lui faudra qu'un an de plus pour se retrouver de nouveau sous le feu des projecteurs, cette fois dès le Day 1, via une main entrée dans la légende des WSOP, contre une autre icône féminine du jeu, Vanessa Selbst. Carré contre full max : un coup qui a fait trembler Las Vegas et renforcé l'aura de notre pro outre-Atlantique. En grande timide, l'interessée tirera de cette notoriété un mélange ambivalent de fierté et de gêne, comme semblant ne pas comprendre ce qu'elle avait bien pu faire pour mériter tant d'attention.
"2013, l'année d'après, c'était complètement fou, raconte-t-elle, comme encore sous le coup de la surprise. Dès mon arrivée à Vegas, mon chauffeur de taxi jette un œil dans son rétro et me sort quelque chose comme 'Je te reconnais toi... Ah mais oui, tu joues au poker !' Quelques jours plus tard, je pars faire mes courses et un mec crie dans le hall du supermarché : 'Gaëlle Baumann ! Viens on fait une photo !' Et en sortant avec mes sacs sous 45°, un autre type me reconnait et propose de me déposer en voiture à mon appart. Je me souviens aussi d'une autre fois, dans le hall de l'Eurostar, quand un gars avait hurlé à travers la vitre pour avoir sa photo... qu'il avait fini par avoir. Ça s'est calmé après ça. Mais ça continue d'arriver de temps en temps, ce qui fait halluciner mes potes qui ne sont pas du tout dans le poker. C'est là que tu te rends compte du nombre de personnes qui jouent."
Un modèle de longévité
Les anecdotes de ce genre auront permis à Gaëlle de sortir un peu de sa carapace naturelle. "J'ai rencontré tellement de gens, ça m'a permis de m'ouvrir. Je suis assez introvertie. Cette médiatisation, ça m'a donné un peu d'aplomb et de confiance en moi." Sans pour autant la transformer en ce qu'elle n'était pas. "C'est quelqu'un de sympa, reprend coach Steph', très humble et modeste, dans l'efficacité, qui est toujours restée à sa place." Cette place, justement, bien plus que sur un plateau télévisé, c'était auprès de vous, les joueurs. Depuis Dublin, où elle a décroché l'une des plus belles victoires de sa carrière (si, si) à Bratislava, en passant par Marrakech, Lyon, Paris, Grenoble, Lille ou Strasbourg (liste absolument pas exhaustive), O RLY savourait chacun des moments au contact de la communauté, jouant des coudes pour s'inviter au programme d'une étape freeroll WiPT ou sur la prochaine édition d'un rassemblement associatif. Elle, la membre historique de la Darshan Team, l'emblématique club amateur parisien, était ainsi devenue marraine du MAD Poker Club, fondé par son pote Mike d'Inca à Marsanne, dans la Drôme, près de chez elle.
Un ancrage territorial auprès d'un public récréatif, renforcé par une autre de ses perfs majeures, sa deuxième place sur la Grande Finale du Winamax Poker Tour en 2014. Tournoi sur lequel elle a de nouveau atteint la finale en 2017. Car l'histoire de Gaëlle Baumann au sein du Team est pavée de presque autant d'heureux souvenirs que d'occasions manquées. "Elle a fait énormément de places payées, confirme Stéphane, se retrouvant plusieurs fois aux portes de très gros résultats. J'ai souvenir de quelques années durant lesquelles elle enchaîne les 20ᵉ-30ᵉ places… [notamment sur l'EPT Barcelone 2019 puis en 2022, NDLR] Peut-être qu'avec un peu plus de réussite de son côté, elle aurait pu signer encore plus de bons résultats. Dans tous les cas, Gaëlle laissera une marque indélébile dans l'histoire de l'équipe et de Winamax."
Longévité et constance au plus haut niveau durant plus d'une décennie : c'est aussi ça, l'héritage de Gaëlle Baumann. Alors qu'ont défilé les générations successives de joueurs, les Anthony Lellouche, Nicolas Levi, Manuel Bevand, Ludovic Lacay, Sylvain Loosli et autres Guillaume Diaz, l'Alsacienne, elle, continuait de tenir les murs, témoin privilégié d'évolutions majeures dans la vie de l'équipe. "Aujourd'hui, le Team est au top. Mais à une époque, on était des guignols... tout le monde faisait n'importe quoi ! Ça sortait en boîte la veille d'un Day 2 EPT, ce genre de trucs... Maintenant, tu ne vois plus du tout ça." Des changements qui s'étendent aux habitudes de travail, que Gaëlle a eu un peu plus de mal à suivre. "Je suis restée sur la méthode des reviews à l'ancienne. Je manquais de motivation pour travailler efficacement sur les solvers." Ce qui ne l'empêche pas d'avoir su rester compétitive. "L'avantage que j'ai eu, c'est qu'à mes débuts, je bossais plus que la moyenne. J'avais de l'avance, c'est ce qui m'a permis de me maintenir pendant pas mal d'années. Ensuite, si tu bosses moins, ça devient compliqué : progressivement, je me suis fait rattraper. Et contrairement à un Julien [Sitbon] ou un Davidi [Kitai], je n'avais pas ce petit truc en plus pour faire la différence en live. Mon terrain de jeu, c'était le online."
Quoi qu'il en soit, treize années à porter le patch W, ça vous marque une équipe au fer rouge. "C'est une figure emblématique du Team, poursuit le coach. Après Davidi, c'était la deuxième plus ancienne. Forcément, on a l'impression d'une page qui se tourne." Un Dav' qui l'a ainsi accompagnée durant toutes les étapes de sa carrière et de sa vie. L'intéressé raconte : "J'ai beaucoup de bons souvenirs avec la gazelle : les aventures quand on était jeunes et insouciants, puis l’étape où on est devenus parents tous les deux. Elle s’est un peu assagie avec l’âge, mais elle a toujours gardé son petit grain de folie et ce besoin de fun dans sa vie ! Toujours partante pour des discussions philosophiques accompagnées d’un petit verre, puis d’un deuxième, jusqu’à la nuit tombée s’il le fallait. Tout ça va me manquer, mais je suis certain qu’on se reverra très bientôt !" Même son de cloche du côté de Pierre Calamusa. "C'est une légende du jeu qui s'en va. Quand je pense à elle, j'ai des souvenirs plein la tête… C'est avec une grande tristesse qu'on la voit partir. Je perds aussi une amie, c'était sans doute la personne dont j'étais le plus proche dans le Team. Elle va me manquer."
Pour nous, à la rédaction, rien ne remplacera ses blogs uniques en leur genre, entre test de personnalité façon magazine féminin, poker-fiction improbable, album de souvenirs, courrier des lecteurs, récit de vacances et même un craquage total. Un blog de Gaëlle Baumann, c'était comme une boîte de chocolats : on ne savait jamais sur quoi on allait tomber. Que l'histoire retienne d'ailleurs que c'est à partir de son épique Bad Beat en BlaBlaCar qu'a démarré la tradition d'illustrer les textes de nos pros de visuels et montages hauts en couleurs sortis de nos cerveaux malades. Une énième contribution à l'histoire de Winamax. Discrète, comme elle.
Retrouver le plaisir
À titre personnel, pour l'auteur de ces lignes, Gaëlle Baumann a d'abord été une absence, puisque mon arrivée chez Winamax au printemps 2015 coïncide à quelques semaines près avec la naissance de sa petite fille, Léa. Quelques semaines plus tôt, à sept mois de grossesse, Gaëlle était pourtant en table finale d'un tournoi World Poker Tour à Vienne, avant de reprendre le chemin de la compétition dès l'automne suivant. Derrière celle que le documentaire Dans la Tête d'un Joueur de Poker appelait en 2016 "La Dame de Fer", pour sa capacité à laisser ses émotions en dehors de la table, s'est rapidement révélée une maman soucieuse de préserver un équilibre sain entre vie de joueuse et vie de famille. C'est en grande partie pour cette dernière, ainsi qu'une perte de motivation progressive envers ce jeu qui lui a tant donné, que Gaëlle Baumann a décidé, non seulement de quitter le Team Winamax, mais aussi de mettre le poker de côté. "Je ne suis pas inquiet pour elle, rassure Stéphane Matheu. C'est quelqu'un de structuré et de très intelligent. Elle saura, j'en suis sûr, réussir dans ce qu'elle entreprendra après le poker. Je lui souhaite le meilleur pour la suite de son parcours."
La suite, justement, sera faite de plusieurs éléments. Le poker ? Probablement, à condition de retrouver un peu de ce "plaisir perdu. Faire partie d'une équipe comme le Team Winamax, c'est beaucoup d'obligations. Je suis complètement OK avec ça, tout travail va avec son lot de contraintes, mais ça a vraiment fini par peser sur ma motivation. Je suis soulagée de partir, car ce n'est plus ce que j'aimais faire. Mais j'ai la chance d'avoir choisi mon départ : c'est ma décision, et tout se termine en bons termes."
D'autant que... ce n'est pas vraiment fini, pas vrai ? "On va se recroiser, oui ! Je vais sûrement venir jouer la finale du Winamax Poker Tour à Aix-en-Provence, c'est quand même à côté de chez moi, et me faire kiffer sur un SISMIX. Retrouver le plaisir sur des tournois à 500 balles, c'est ça dont j'ai envie. C'est pour ça que je ne ressens pas de nostalgie : je n'ai pas tout à fait l'impression de partir."
Quant au reste, Gaëlle ne manque pas d'idées. "J'ai un projet immobilier qui, je l'espère, va pouvoir se concrétiser cette année. Je m'intéresse aussi au trading. J'ai tout le travail technique à faire, mais je sens que ça peut me plaire. J'ai le mental, la gestion de bankroll, la capacité à gérer le risque... Il y a plein de similitudes avec le poker, sans les inconvénients car je peux faire ça depuis chez moi, avec des horaires plus cools." Un dernier mot ? "Je remercie évidemment les boss de Wina, Christophe et Alex, de m'avoir fait confiance pendant toutes ces années, et vous tous pour votre soutien." Merci à toi Gaëlle, on se reverra !
Gaëlle Baumann : sa dernière semaine dans le Team Winamax
Samedi 11 et dimanche 12 janvier : ultime bain de foule au WiPT Dijon
Lundi 13 janvier : Culture Pok en direct sur Winamax TV en compagnie de PonceP et Benjo
Mardi 14 janvier : un dernier article sur le blog du Team. Afin de laisser à Gaëlle le dernier mot !
2012 - 2025 : souvenirs
À Deauville avec Ludovic Lacay (2012)
Vegas, 2012 : le fameux shooting "Kill Bill" avec Mikedou et Manuel Bevand
Main Event des WSOP 2012 : une star du poker est née
Enregistrement pour Dans la Tête d'un Pro (2016)
2016 : de nouveau "Last Woman Standing" sur le Main Event des WSOP (102ᵉ sur 6 737)
Vegas, c'était aussi le moment des colocs poker au soleil (2016)
Papiers en règle face à Kool Shen (SISMIX 2016)
Avec Pierre Calamusa au Cercle Clichy-Montmartre (2017)
Deuxième table finale sur le Winamax Poker Tour (2017)
Aux côtés de Mikedou à Macao (2017)
SISMIX 2017 : les deux familles réunies
Souvent sur le podium pour présenter les Master Class du WiPT... mais tout aussi souvent au premier rang ! (2017)
Aux côtés du pas encore coéquipier Julien Sitbon (Barcelone, 2018)
Dublin, 2018 : la victoire... en beer pong !
Aux Bahamas avec Sylvain Loosli et Davidi Kitai (2019)
À Monte-Carlo avec Aladin Reskallah et Leo Margets (2019)
À Vegas avec Leo Margets et Romain Lewis (2019)
Juillet 2022 : encore et toujours en deep run sur le Main Event des WSOP
Lancement du Winamax Poker Tour à Paris (2022)
La victoire, avec les copains, sur les Kill Tilt Series de Mandelieu (2024)
Accueil des joueurs au WiPT Lille (2024)
WiPT Limoges (2024)
De 2012...
...à aujourd'hui
Les pages à suivre