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[Blog] Dreaming Las Vegas

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Durant les dix-huit derniers mois, l'excitation des premiers moments en tant que joueur sponsorisé, couplée à une réussite sur le circuit live, m'ont largement contenté, tant moralement que financièrement. Il y a un an, j’écrivais l'article Méthodologie du grind online, dans lequel j'exposais mon approche du jeu sur Internet. Et comme je l’ai dit dans un article précédent, mes deux seules obsessions sont 1/ la quête d'un titre majeur et 2/ le maintien de mon train de vie. Avec la disparition du circuit EPT et son relatif déclin sous sa nouvelle appellation – le PokerStars Championship Bahamas a enregistré des affluences plutôt faibles – ainsi qu'un contrat revu à la hausse cette année qui me permettra de jouer de plus nombreux Events, les World Series of Poker sont devenus mon objectif principal. J'ai déjà les yeux tournés vers Vegas.

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Mes deux étés dans le Nevada ont été catastrophiques, avec une seule petite place payée sur une épreuve Turbo à 1 000 dollars, malgré trente tournois joués et 40 000 dollars de buy-ins dépensés. J'ai donc profité de mon hiver pour commencer ma longue préparation pour les World Series, tout d’abord en analysant les raisons de mes échecs précédents, avant de dresser un premier bilan et évaluer mes forces et faiblesses dans cette quête de bracelet. Ne restait plus qu’à mettre en place les solutions envisagées, pour arriver aussi compétitif que possible en juin.

Les raisons d'un échec

J'ai connu un fort succès sur le circuit EPT avec cinq places payées en douze participations, dont un Day 4 et une table finale. Surtout, j'ai souvent réussi à monter des tapis confortables sur ces tournois, avec une impression de force et un sentiment de maîtrise que je n'ai jamais connu aux WSOP – exception faite du Main Event. La raison parait aujourd'hui limpide. La plupart des tournois WSOP que j'ai joués sont des épreuves à buy-ins modérés, entre 500 et 1 500 dollars, dont les structures sont beaucoup moins profondes que celles des Events majeurs.

Dans le même temps, mes récents résultats online ont été mauvais. Sur les 18 derniers mois, j'ai perdu environ 9 000 euros sur 1 200 parties. J'ai cru percevoir que les structures des tournois hautes limites de Winamax ont été changées à cette même période : les premiers niveaux ont été raccourcis, puis sensiblement rallongés en late game (niveaux de 10 minutes, puis 12, puis 15). En grand adepte de l'enregistrement tardif, je m'inscrivais souvent sur les blindes 250/500, 300/600 voire 400/800, avec un tapis de 20 000 jetons, soit 40 blindes. Une stratégie qui n'était plus vraiment optimale pour perfer.

On a souvent au poker des moments particuliers, où l'on se sent grandir car on a compris quelque chose qui, jusqu'alors, nous échappait. Je crois que je suis en train de vivre l'un de ces moments.

Une nouvelle approche du jeu de tournoi

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J'ai eu la chance de connaitre l’âge d'or du poker. Pendant quelques années, la simple compréhension de la métagame et de la psychologie basique des adversaires était tout ce qu’il fallait pour s'imposer sur les tournois online. Il suffisait d'être conscient de son image, s'en servir à bon escient et exploiter à fond les faiblesses flagrantes de nos adversaires. Entre 2010 et 2015, j'ai ainsi pu maintenir sur Winamax un ROI de 41% sur 5 000 parties, pour un buy-in moyen de 78 euros.

Jamais je n'ai pensé à définir de stratégie réellement pensée à l'avance. Allumer le PC, lancer les tables et essayer de jouer les coups les uns après les autres suffisait amplement. Je peux affirmer aujourd'hui que cette époque est désormais révolue sur les tournois highstakes, et va tendre à complètement disparaitre dans les années à venir. Comme lorsqu’une mine d'or qui se tarit, il faut creuser plus profond, et avec de meilleurs outils, pour prétendre à sa part du magot.

J'ai donc consacré ces trois derniers mois au travail sur le jeu de tournoi entre 5 et 35 grosses blindes. C'est un jeu qui ne laisse que peu de place à l'intuition et à la créativité, mes deux principaux points forts. Je devais donc m'améliorer dans les zones où j'étais le moins à l'aise. Ce n'est d’ailleurs pas une surprise si mes résultats online et sur les WSOP ont été médiocres. Mon haut VPIP (pourcentage de mains où l’on choisit volontairement d’investir de l’argent dans le pot préflop) et mes tendances naturelles pour le jeu large laissent de véritables boulevards à mes adversaires pour m'exploiter à ces profondeurs. J'ai donc commencé par établir des ranges fixes préflop à chaque profondeur, entre 3 et 13BB (range d'open shove) et 35BB (range d'open, de flat, de 3-bet). Je ne dirai pas comment j'ai construit ces ranges (histoire de conserver un peu cet avantage que je me suis forgé), mais c'est un travail de fourmi que je n'ai pas encore terminé. J'ai juste pour l'instant établi une stratégie qui m'interdit de faire de grosses erreurs. Je m’efforce de ne pas en dévier, à moins d’avoir une raison de le faire (exploiter une faiblesse dans la stratégie adverse, exploiter un read vérifié, etc.).

Le problème des stratégies purement intuitives est qu'elles doivent reposer sur des lectures absolument certaines, sous peine de commettre des bourdes impardonnables. Par exemple, 4-bet shove avec une range trop large ou, à l’inverse, manquer un spot de reshove car on a mal identifié l'adverse. D'autre part, ces plans de jeu "à l’instinct" n’offrent aucun garde-fou lorsque l’on se met à déjouer. Beaucoup de joueurs dotés d’une stratégie léchée et propre en A-game, se retrouvent, une fois short-stack, à faire n’importe quoi.

Avoir une connaissance profonde des mathématiques et de la théorie était donc devenu primordial pour moi, pour être un joueur bien plus solide dans mon jeu shortstack.

Mise en application et bilan

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J'ai profité des Winamax Series pour reprendre le jeu online. J'étais tellement excité de mettre en application mes nouvelles stratégies que j'ai joué environ neuf heures par jour, six jours par semaines durant ces trois dernières semaines. Soit je faisais du volume, soit j'ouvrais les tables des tournois high stakes et essayait de trouver des fuites dans les stratégies des joueurs que j'affronte régulièrement chaque jour.

J'étais également très content de voir que la créativité et l'instinct m'ont beaucoup servi lors de mes tables finales, lorsqu'on retrouvait un peu de profondeur de tapis. Si ma stratégie avec un petit stack est surtout méthodique, pour m'éviter de faire des bêtises, j'ai réellement eu le sentiment d'être un ton au-dessus de mes adversaires quand les stacks étaient profonds.

Les résultats ont été très probants, puisque j'ai gagné environ 40 000 euros depuis le 1er janvier, avec notamment une deuxième place sur un tournoi à 300 euros des Series pour 24 000 euros, deux victoires et une deuxième place sur le Highroller, une victoire sur le TOP 50 du dimanche et une victoire sur le Prime Time. J'ai surtout été très satisfait de la patience dont j'ai fait preuve dans mon jeu shortstack, ne déviant quasiment jamais des plans que je m'étais fixés au préalable. Sur les deux Highrollers gagnés, je suis ainsi arrivé avec dix blindes en table finale, avant de remonter. Bien entendu, j'ai aussi connu un run assez incroyable.

Sur le terrain du live, j'ai lancé quelques chantiers à mener à bien avant juin, pour continuer à préparer mes WSOP :

Le jeu depuis les blindes. Online, j'ai pris le parti délibéré de folder massivement ma SB et légèrement ma BB. Ce sont des spots où payer ou surrelancer vous fait gagner une EV marginale par rapport au fold. Qui plus est, se retrouver à jouer des coups compliqués hors de position lorsque l'on a beaucoup de tables est dangereux. Cela peut vous faire commettre de coûteuses erreurs sur les autres tables. En live, je ne jouerai qu'une seule table et devrai donc mettre à profit ces prochains mois pour apprendre à être meilleur dans ces situations. Peut-être en lançant moins de tables lors de mes sessions et en me concentrant davantage sur ces spots spécifiques.

La gestion de l'énergie sur le long terme. Je ressors littéralement lessivé de ces trois semaines intensives. J'étais dans une passe compliquée à l'entame de ce mois fatidique et j'ai ressenti un stress énorme durant chaque session. Une série de bons résultats s'imposait donc, pour retrouver la confiance et un peu de tranquilité. J'ai consacré toute mon énergie pour remonter ma bankroll, au détriment souvent de ma qualité de vie. J'ai littéralement mangé, bu et dormi poker, ce qui n'est pas tenable sur le long terme. En vue des WSOP, j'aimerais donc protéger cette bankroll reconstituée, retrouver un équilibre incluant du sport et des heures de sommeil plus régulières, afin d'arriver dans les meilleures condition à Vegas.

Si j'arrive à m'y tenir et à continuer à bien bosser mon poker, je suis prêt à prendre les paris : au mois d'août, c'est avec un bracelet autour du poignet que je ferai mon arrivée sur la plage de Saint-Trop' !


LeVietF0u

L'enfant terrible du Team Winamax a remporté les plus gros tournois W et fait souvent parler la poudre en live. Un talent ravageur, à la table comme sur les réseaux sociaux.

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