Winamax

Bluff insensé ou technique de pro?


10 août 2006. La tension est extrême au Rio de Las Vegas. Il reste 4 joueurs en course pour le titre suprême de Champion du monde WSOP. Au bout, le bracelet de platine incrusté de diamants et un premier prix fabuleux de 12 Millions de dollars !

Un producteur de Hollywood, Jamie Gold, semble sur un nuage depuis le 4ème jour et cet amateur a une avance considérable au chip count, alors que tout le monde attend le sursaut du grand professionnel Allen Cunningham (vainqueur de 4 titres WSOP dans le passé mais jamais encore du "Main Event"). Et, en embuscade, ni le physicien Michael Binger ni le jeune prodige Paul Wasicka, n'ont encore dit leur dernier mot...


Allen Cuningham. La classe...
mais pas encore "LE" titre
.



Blinds: 120 000-240 000, Antes: 40 000

4 joueurs. Avant toute action, le pot est de 520 000.

Cunningham a environ 11 millions de jetons à son tapis et Wasicka à peu près 9 millions. Gold, lui, a plus de 55 millions...

Le bouton est chez Michael Binger.

Gold est de Small Blind, Wasicka est de Big Blind.

  • Cunnigham, avec 10Coeur 10Trèfle relance en première position à 800 000,
  • Binger se couche,
  • Gold paye avec KTrèfle 7Carreau (avec son gros tapis, il entre pratiquement dans tous les coups pour accentuer la pression sur ses adversaires)
  • Paul Wasicka paye, logiquement, avec KCarreau QCarreau>




Le flop arrive: ACoeur JCoeur 9Coeur

  • Gold Checke,
  • Wasicka Checke,
  • Cunningham CHECKE EN DERNIERE POSITION...


Turn: ATrèfle


Gold Checke encore.

Mettons-nous à présent successivement à la place des joueurs, en faisant abstraction des cartes cachées que, eux, ne connaissent pas chez leurs adversaires. Essayons de raisonner comme ils le font, compte tenu des informations qu'ils détiennent d'après les enchères et la position de chacun...


Paul Wasicka. Une puissance d'analyse
et un sang-froid incroyables


Que pense Wasicka à ce stade? Il comprend qu'il est IDEALEMENT PLACE POUR BLUFFER. En effet :

  • Ce deuxième AS au Turn, qui terroriserait un joueur moyen, ne change rien objectivement;
  • Gold semble hors course puisqu'il a checké deux fois.
  • Quant à Allen Cunningham, il n'a sûrement pas Un AS en main car il aurait misé sur le Flop pour ne pas donner de carte gratuite au cas où un adversaire aurait un tirage couleur avec un Coeur en main.


Wasicka mise 1,1 Million. C'est bien joué car son bluff s'appuye sur un raisonnement technique.

Au tour de Allen Cunningham qui réfléchit, pendant que Jamie Gold jette ses cartes avant son tour ! Tout le monde sait maintenant que Gold n'est plus dans le coup. Et comme Cunningham connaît bien la théorie lui aussi, il reconstitue le raisonnement de Wasicka et comprend qu'il est peut-être en bluff: voilà quelqu'un qui n'a pas sur-relancé avant le flop et qui sur le flop n'a pas misé non plus; il y a donc de bonnes chances pour qu'il n'ait pas grand-chose, d'autant qu'on sait aussi qu'il se trouve dans la position idéale pour bluffer.

Cunningham, fort de sa lecture du coup (et avec tout de même une petite sécurité: paire de 10 + tirage flush), relance 4 MILLIONS DE PLUS ! C'est très bien joué.

On pense que Wasicka, percé à jour avec seulement un tirage de quinte "ventrale", va jeter ses cartes. Mais, confiant dans son analyse précédente, persuadé que Cunningham le bluffe, WASICKA DIT TAPIS... ET ALLEN CUNNINGHAM JETTE SES CARTES !

Par delà les conséquences (Cunningham sera éliminé peu après et Wasicka parviendra en tête-à-tête contre Gold), ce coup est magnifique car il illustre comment les champions, qui connaissent toutes les positions théoriques, peuvent reconstituer les raisonnements de leurs adversaires, jusqu'à pratiquement ne pas tenir compte de leurs propres cartes quand il devinent celles de l'autre.


L'accolade finale aux WSOP 2006 entre Wasicka, 2ème, et Gold, qui aura dominé l'épreuve presque de bout en bout


Reste enfin qu'il faut admirer le sang-froid de Wasicka. Car analyser un coup est une chose. Avoir le courage, sous la pression, de mettre cette analyse en pratique et d'aller au bout, au risque de "sauter bêtement" sur ce bluff dans la finale du Championnat du monde, c'est une toute autre affaire...