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Une Finale de Pot Limit Holdem

Par dans

Mon regard est fixé sur la rivière et mon air calme ainsi que mon sourire un brin crispé ne cachent finalement qu’assez mal la tempête qui fait rage sous mon chapeau. Je joue un coin flip à tapis en finale des World Series. J’en ai joué 3 avant dans le tournoi, gagné deux, perdu un. La pièce tombe du mauvais côté cette fois ci, et je quitte mes adversaires un brin trop tôt à mon gout, sous le regard de mes amis du circuit présents à Vegas.

Pour en arriver là, j’ai du batailler dur, et élaborer un plan de jeu. Car le pot limit est un drôle d’animal : Pas vraiment différent  du No Limit en soit (l’overbet , bien que revenu à la mode ces derniers temps , n’est pas si fréquent que ça) et pas vraiment identique : il n’y a pas d’ante .Pourquoi le PLHE alors ? Je crois que chaque variante du poker répond à un problème ou un manque dans une variante déjà existante : à l’origine le jeu smallball en no limit n’existait pas, et les gens aimaient overbetter le pot avant le flop. Du coup l’intérêt du pot limit était d’amener un peu de mesure au jeu préflop pour ceux qui n’avaient pas envie de voir les enchères exploser d’un coup. On peut d’ailleurs voir dans plusieurs livres de Doyle Brunson et notamment la première bible du poker «Super Sytème » que les overbet étaient fréquent avant même la naissance du père d’Isildur !


Ce qui est passionnant en tout cas c’est qu’en PLHE la stratégie n’est pas aussi bien définie qu’en NLHE. Le jeu est beaucoup moins joué et peu de livres sont disponibles sur le sujet. Bref la plupart considèrent qu’il faut relancer 2bb pour compenser le manque d’antes dans le pot, et je pense que c’est une bonne tactique en fin de tournoi avec des tapis peu profonds, ou pour des raisons différentes lorsque la table est faible et que jouer loose est optimal. Mais dans ce Championship à 10,0000 dollars j’ai fait un choix tactique diamétralement opposé : avant le tournoi j’ai décidé d’utiliser deux techniques :

- Abuser des changements de vitesse, sur les conseils éclairés de Davidi (deux tables finales en PLHE dont un Bracelet!) pour prendre des petits coups sans résistance.


- Jouer moins loose et moins smallball que d’habitude, et faire plus cher préflop, pour sortir mes adversaires de leur zone de confort au niveau des montants.

Le dernier point est intéressant, je ne dis pas que j’ai raison mais contrairement à l’idée d’origine du PLHE j’ai choisi de jouer des plus gros pots qu’en NLHE. La raison est mathématique et découle de mon choix de jouer moins de mains :

- si je joue moins de coup, j’ai une range plus serrée.

- Si j’ai une range plus serrée mon adversaire peut mieux me lire et déceler les cas de cotes implicite

- Pour casser cette cote implicite je dois miser plus cher.

Si vous ne connaissez pas le terme de côte implicite et que j’ai aiguisé votre curiosité rendez-vous sur la masterclass spéciale cote de la poker school ; c’est plus simple qu’il n’y parait !

Les deux résolutions, changement de vitesse préflop et style plus solide, sont dues à la force du field : quel intérêt d’aller jouer des poubelles contre de très bons joueurs qui ne se laisseront pas bluffer ? Vous allez peut être me répondre : se créer une image agressive pour être payé avec ses bonnes mains. Mmm oui mais non :

- En tournoi il est souvent plus profitable de faire coucher son adversaire car on a rarement le temps d’avoir du jeu

- Ces derniers temps il suffit d’avoir l’air d’un bon joueur pour qu’on vous soupçonne de bluffer à chaque fois que vous squeezez . A la limite plus vous avez passé les spots précédents, plus on s’attend à ce que vous craquiez ou encore utilisiez votre image pour bluffer

Moralité : en 2011 un bon ne crois jamais un autre bon . Et c’est ainsi que le style solide reprend ses lettres de noblesses. En tout cas tant que les joueurs loose ne feront pas de psychanalyse pour soigner leur paranoia!

En parlant de Parano, voila un expert

Tiens par exemple j'ai fait coucher une main a Matusow, il a pas trop aimé, me demandant si j'avais quelque chose et m'insultant plusieurs fois par la suite! Mike, j'avais la meilleure main, et meme si je t'avais bluffé, au poker on a le droit de mentir ok?

Bref, je ne sais pas quelle est la part de réussite ou la part de chance dans cette superbe table finale dont je suis très fier,  mais j’aime à penser que mon plan a joué pour beaucoup. J’ai dû faire attention à ne pas me laisser marcher sur les pieds. J’ai été testé plusieurs fois et du tenter de gros contre bluffs : Un 4 bet à tapis avec KJo, un call difficile avec 4e paire, mais globalement j’ai surtout excellé dans l’art de prendre un pot moyen tous les 3 tours et de me maintenir en attendant du jeu , jeu rentabilisé comme rarement, par exemple cette paire d’As contre Annette15 :

Je relance UTG a 2.5bb (plus cher que d’habitude donc, pour ceux qui ont suivi !). Elle paye en position

Le flop vient 843 avec un tirage couleur.

J’effectue un Cbet à 2.5bb et elle paye.

Notez que sa range ici est énorme. Paire, tirage, floating. C’est rarement un monstre, il y a beaucoup de tirage et même si elle n’aurait pas peur de slowplayer, elle peut facilement représenter un tirage en relançant (vous passeriez 99 sur une relance d’annette ici vous ?) donc pourquoi s’en priver?

Turn Q qui ne complète pas la couleur.

Je me dis que si je n’avais rien, je tenterai souvent d’arracher sur cette carte qui touche bien ma range. Du coup je décide de faire quasiment le pot. Tant qu’à faire autant bien me polariser.

La rivière est un 9 et je fais boite pour ¾ du pot, ce qui représente quasiment le tapis de la norvégienne. Elle finit par payer et je ne sais pas exactement ce qu’elle avait, juste que mon image ne l’a pas fait coucher un jeu clairement moyen sur cette rivière, et que ses jetons sont bien plus jolis dans mon stack :)

Une finale de plus

Une finale ce n’est pas un bracelet, mais une finale c’est une finale ! Ma quatrième aux WSOP et la plus lucrative que j’ai pu faire à Las Vegas, le tout dans l’un des Event les plus prestigieux des series, alors pas question de bouder mon bonheur. Il faudra quand même que je comprenne pourquoi je semble perfer dans les tournois les plus durs de l’année plutôt que dans ceux remplis de fish. Variance uniquement ? Je crois que la préparation, la concentration, et le mental me jouent ici quelques tours, j’en parlerai avec Stephane et Pierre évidemment !

Sur ce je vais me coucher, demain m’attend un tournoi en mode Shootout, le format ou j’avais fait la finale l’année dernière alors pas question de manquer de sommeil…