Winamax

The Big Miss

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Comment bien jouer au poker quand on a des problèmes personnels ?

Cette question, je me serais bien passé de me la poser. Surfant sur la vague de ma 12e place (d'accord, une petit vague...) à Venise et de ma victoire sur les Winamax Series, je débarquais à Berlin plein d'espoir. J'ai fait ma gym, mangé mon poisson et plutôt bien maîtrisé les quatre premiers niveaux.

Quinze minutes restent à jouer avant la pause lorsque mon téléphone vibre. Le SMS est dévastateur. Je me lève un peu désorienté avant de me rasseoir. Je jette une main et réalise que j'ai besoin d'aller prendre l'air, de marcher, de réfléchir. Rapidement, la solution se profile : remonter à ma chambre pendant la pause, me mettre un peu d'eau sur le visage et, surtout, laisser le téléphone a l'hôtel pour éviter de répondre aux futurs SMS, appels, messageries instantanées...

Je m'exécute. Ah et, bien sûr, n'en parler à personne. Essentiel.

Je trouve donc un prétexte bidon pour expliquer mon état à tous les gens que je croise et me retrouve à la table avec un tapis confortable de plus de 100 blindes, prêt à jouer deux heures avant la pause repas. Ou plutôt deux heures avant de retrouver mon téléphone et de pouvoir enfin en parler...

Trois mains passent sans que je n'en joue aucune, je suis bien, je joue serré, quatre minutes se sont écoulées depuis la reprise et j'ai regardé la montre onze fois. Je laisse passer un tour de plus sans jouer, ravi de ma maturité et de ma capacité à rester concentré. Douze minutes se sont maintenant écoulées, j'ai vérifié six fois, il nous reste donc soixante-trois minutes avant la fin de ce niveau puis un autre niveau de soixante-quinze minutes avant le diner, soit un total de cent trente-huit minutes.

C'est long.

Un joueur relance au hi-jack et j'ouvre Valet-Neuf dépareillés juste derrière lui. J'opte logiquement pour un 3-bet à 2,000 qu'il paie rapidement quand la parole lui revient. Nous sommes donc deux à voir un flop JT6 rainbow et il opte pour un check-raise de 2000 à 4,500. Il se laisse 16,000 derrière.

Mon piège se referme quand un turn inoffensif tombe, le 2 de carreau. C'est à lui de parler et il entre dans une intense réflexion, réalisant probablement que son tapis est très difficile à jouer vu la taille du pot. Une minute s'écoule avant qu'il ne se décide, misant 8,000 jetons tout en se laissant 10,000 derrière, un montant que je couvre.

Ma décision est maintenant évidente : je le relance à tapis pour un total de 18,000. Il paie après vingt secondes de réflexion et remporte le coup avec sa paire de Rois. Il me reste alors 5,350 sur des blindes 150/300 ante 25.

Un montant difficile à manier avec lequel je décide de jouer serré. C'est alors que j'ouvre Roi-Dame premier de parole. Naturellement, je limp. Jean-Philippe Rohr, un joueur somme toute très serré, me relance à 1,000 en milieu de parole. Je paie et nous allons voir le flop.

J86 avec deux cœurs, un très mauvais flop pour ma main. Je check donc et il check derrière moi. Le turn est un 5 qui rend le tableau plus lourd encore, je décide donc de miser 1,000 pour voler le coup au cas où il ait AK et il me paie assez rapidement. La river est une Dame, maintenant je bats tous ses bluffs, perds contre JJ et peux faire passer TT/99 qui sont somme toute assez improbables. Je décide donc d'envoyer tout mon tapis et perds contre JJ.

Mon tournoi est terminé. Je me lève de ma chaise groggy et me dirige vers mon hôtel pour faire face à la réalité. J'ai échoué, je n'ai pas su bien jouer. Qu'ai-je donc fait pour me laisser surpasser par mes émotions ? Qu'aurais-je du faire ? Cette question, je me la suis posé pendant quelques jours avant de demander si c'était la bonne question. Et si ce blog même ne posait pas la bonne question ?

La liste des sportifs de haut niveau qui ont déjoué en période difficile sur le plan personnel est sans fin. Pourquoi devrais-je me le reprocher alors ? Pourquoi avoir autant d'attentes ? La question à se poser, ce n'est pas de comment mettre de côté nos problèmes, c'est de se demander quand est-ce que je serais capable de rejouer sans y penser à nouveau.

Et d'attendre.