Nuits blanches à Vegas
Par Général Tournois Live
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« Ce sont mes troisièmes WSOP consécutifs et à chaque fois, j’ai les mêmes sensations au moment où l’avion touche le sol : de l’excitation et de l’enthousiasme à l’idée de passer plusieurs semaines consécutives dans une ville aussi particulière que Vegas pour disputer les championnats du monde de poker . Cette année, je suis persuadé que je vais faire un résultat ». C’était le début de mon blog sur Vegas l’an dernier.
Cette année, je débarque à Vegas fin mai 2013, dès le début des World Series Of Poker, mais cette fois, je ne ressens pas d’émotion particulière. Volontairement ou non, j’ai décidé d’économiser mon énergie et de ne pas me projeter sur un éventuel résultat. Plus d’un mois et demi à passer ici, je considère ça comme une épreuve d’endurance. J’aurai suffisamment l’occasion de vibrer, m’enthousiasmer, stresser, rêver ou tomber de haut, lorsque je serai en train de jouer. J’aurai également assez de temps pour discuter des mains jouées et de mon approche générale des tournois avec le Team. En dehors de ça, je vais tenter de déconnecter au maximum du poker pour rester frais mentalement et physiquement le plus longtemps possible. Pour cela, j'envisage de faire régulièrement du sport, passer du temps à la piscine, bouquiner, visiter Vegas et ses environs, et surtout, ne pas faire la fête durant les premières semaines.Il est 17 heures quand nous arrivons à l'hôtel. Quatre heures plus tard, quand le reste du Team va se reposer, je décide d’aller jouer un peu en cash-game à l’Ariah, en cavant 1,000 dollars sur une table aux blindes à 2 et 5 dollars, et en me fixant comme objectif de rester quelques heures, deux ou trois tout au plus. Quand ManuB débarque à la table le lendemain matin aux alentours de 8 heures, je suis perdant de 3,000 dollars... Je quitte finalement la table à 11 heures, délesté de 4,000 dollars au total, après avoir perdu un pot de 2,000 dollars avec deux As contre deux Dames à tapis préflop. Je ne me couche pas de suite, mais en fin d’après-midi, constatant avec un sentiment de déjà-vu que je viens de faire en l’espace de 24 heures tout ce que je ne voulais pas faire cette année...
Le lendemain au réveil, je me pose à la piscine pour bouquiner et essayer de mettre les choses à plat. Cela faisait plusieurs semaines que je songeais à Vegas et que j’essayais de monter ma bankroll pour être à l’aise cette année. Mais au final, j’avais enchaîné les mauvaises sessions en ligne et la confiance n’était pas forcément au top, même si cela fait partie du quotidien du joueur de poker. Tout ce qu'il y a à faire, c’est de relativiser, tout en restant lucide, et voir ce que l’on peut améliorer. Vers 20 heures, je retourne donc aux tables de cash-game de l’Ariah et à minuit, je suis de nouveau dans le rouge, de 2,000 dollars cette fois. Si ça continue comme çà, je ne sais pas comment je vais finir mon séjour. Je n’ai pourtant pas le sentiment de particulièrement mal jouer. Je crois que c’est l’une des pires sensations que l’on puisse ressentir en étant joueur de poker : s’asseoir à une table en ayant l’impression de ne plus savoir ce qu’il faut faire pour gagner un coup, pour faire une session positive. Je décide de m’accrocher, de ne pas trop gamberger et me dis que si j’arrive à sortir gagnant de cette session, paradoxalement, ma confiance sera boostée pour la suite de Vegas. Le tout, c’est de repartir sur une pente positive. Et puis, ce n’est pas possible que je n’arrive pas à gagner à ces tables ! Je commence alors à avoir plus de réussite, à être plus incisif, et je reviens à l'équilibre au petit matin, avant de finir positif de 3,500 dollars en fin d’après-midi.... Que ça fait du bien !
Arrive mon premier tournoi des championnats du monde, un 6-Max à 1,500 dollars, puis un second, un Shootout à 3,000 dollars, et un troisième, un 6-Max à 2,500 dollars. Sans succès. Mais globalement, je me sens à l’aise aux tables et j'ai l’impression de bien jouer, et à côté de cela, les quelques sessions de cash-game se passent plutôt bien. Et puis à l'hôtel, j’ai Kitbul et Cuts au même étage, ce qui facilite le débriefing des sessions et me conforte dans mon idée que je joue juste. L’ambiance est bonne et studieuse !Au bout de deux semaines, je passe mon premier Day 1, dans un tournoi de 6-Max à 3,000 dollars, avec un tapis au-dessus de la moyenne. Mais surtout, Davidi remporte le deuxième bracelet de sa carrière dans la soirée ! On oublie trop souvent que les génies sont également des monstres de régularité... Je sauterai finalement 40e de mon tournoi, dans les places payées. Un peu déçu, mais impatient de rejouer dès le lendemain. L’an dernier, j’aurais probablement profité du prétexte de la déception pour faire la fête jusqu’au petit matin, mais cette fois, je vais sagement me coucher. Assez curieusement, ce n’est que deux jours plus tard que je ressens un peu de lassitude, probablement que le fait d’avoir sauté de deux tournois entre-temps me rappelle à quel point il est dur de repartir systématiquement à zéro pour essayer de faire un deep run. Je décide donc de faire un break durant le week-end, en partant faire le tour du lac Mead avec une poignée d'amis, le meilleur moyen de déconnecter complètement de Vegas.
A mon retour débute le tournoi qui me tenait le plus à cœur, le 6-Max à 5,000 dollars. Je finis la journée dans la moyenne, et après un début de Day 2 poussif, je me sens de mieux en mieux à ma table. Je prends de plus en plus de plaisir à être là. A la pause dîner, je suis dans la moyenne avec 50 blindes alors qu'il ne reste plus que 33 joueurs. Bref, tout est possible ! D’autant que ma table n’est pas particulièrement compliquée. Cinquième main après la pause dîner, je reçois deux As et me fait 3-bet par le Russe prévisible de la table. Je me contente de payer, persuadé qu’il a une main moyenne, et tout part au milieu sur un flop [Ad][Qd][9d]. Il a [8d][6d] et reste devant jusqu'à la fin. Je n’ai aucun regret sur ce coup, mais que c'est brutal !
Comme la semaine précédente, ce sera l’occasion de faire un petit débriefing avec notre coach Stéphane, qui m’avait d’ailleurs conseillé de prendre quelques heures de coaching mental avec Pier Gauthier, ce que j’ai fait, et qui a dû jouer dans ma façon d’aborder ce Day 2 où je me suis senti de plus en plus à l’aise. Mes WSOP sont partis dans la bonne direction, ce qui n’était pas gagné d’avance quand je repense au début de mon séjour. Il me reste désormais deux semaines pour tenter de faire un gros résultat avant le Main Event et je me sens très confiant.
Mais ce gros résultat n’arrivera pas, je vais souvent me faire éliminer en fin de Day 1, et même si la lassitude caractéristique de ces longs séjours annuels à Vegas se fait ressentir, j’ai le sentiment de continuer à être appliqué et à me tenir à la feuille de route que je m’étais fixée en arrivant.

Il ne reste désormais que le Main Event. Un bon résultat sur ce tournoi me permettrait de quitter Vegas sur une note positive (et positif financièrement par ailleurs, ce qui ne m’est jamais arrivé). Après un Day 1 un peu chaotique où je finis dans la moyenne, le Day 2 et le début du Day 3 se passent bien. Contrairement aux éditions précédentes, j’ai l’impression de m’être bien adapté à la structure et au field si particulier de ce tournoi. Mais je vais être déplacé à une table difficile en compagnie de Michel Abécassis au milieu du Day 3 et vais traverser un désert de cartes avant de me faire éliminer, à 300 places de l’argent.
Comme tous les ans, la déception est grande, on saute du plus gros tournoi de l’année et cela signe dans le même temps la fin des WSOP. Je vais encore rester une semaine à Vegas, semaine qui ne mérite pas d’être racontée dans ce blog, mais qui aura probablement plus sa place dans une discussion de fin de soirée avec ceux d’entre vous que je croiserai à Dublin !Au moment de rentrer, contrairement aux années précédentes, je n'ai pas vraiment de petit coup de spleen. Même si je n’ai pas de quoi être particulièrement content, n'ayant pas fait de gros résultat, je me rends compte que je n’ai pas de regret par rapport aux semaines passées ici. Un petit coup de pouce du destin avec ma paire d’As et peut-être bien que je serais rentré en business class avec Davidi... Ce qui est certain : si je pouvais recommencer ces WSOP immédiatement, je le ferais. Et ça, c’est inhabituel, et de bon augure pour l'avenir !