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Main Event : un rêve éveillé

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8 juillet 2012, Jour 1B du Main Event des World Series of Poker. J'ai décalé mon entrée dans le tournoi à cause d'une bonne crève. Aujourd'hui, j'ai envie de remercier l'insupportable clim qui sévit chaque année à Vegas, laissant derrière elle une horde de joueurs toussoteux et fiévreux. Que c'est bon d'y être... Mon premier Main Event des WSOP, LE tournoi auquel tous les joueurs de poker rêvent de participer. Le Rio est en effervescence, et comme avant le lancement de chaque épreuve, je sens un léger stress s'emparer de moi.

Dans les couloirs, c'est la cohue pour trouver sa place dans les différentes salles : l'Amazon, la Brasilia et la Pavilion, où je débute la journée. Il est un peu plus de midi et le shuffle up and deal est prononcé... Que le marathon commence ! L'estomac noué, je joue ma première main. Comme si c'était mon tout premier tournoi. Mais très vite, le stress se dissipe pour laisser place à la concentration. Mon objectif est simple : donner le meilleur de moi-même et jouer au maximum de mes capacités. Passons rapidement sur le premier jour. J'ai la chance de tomber sur des tables faciles et de prendre un bon départ, finissant avec un tapis confortable de 70,000 après les cinq premiers niveaux (de deux heures chacun !), soit plus du double de la cave de départ.

Un début de tournoi dans la quiétude

Je suis heureuse de constater que mis à part quelques pros comme Jean-Philippe Rohr ou Liv Boeree (encore elle !), la majorité des joueurs que j'affronte sont des amateurs qui ont pour la plupart un niveau de jeu très moyen. Le field du Main Event est connu pour être faible mais honnêtement, je ne m'attendais pas à ce qu'il le soit à ce point...

Après une bonne nuit de sommeil, je découvre ma nouvelle table au début du Jour 2. Aucune tête connue, c'est toujours une bonne surprise. Je montre rapidement une image très agressive et active à ma table, je suis dans tous les coups et me sens plus à l'aise que jamais avec de telles profondeurs de tapis.

Je perçois même une pointe d'agacement chez certains joueurs qui semblent avoir du mal à laisser une jeune fille dicter sa loi. L'un d'entre eux ruminera pendant près d'une heure un coup tout ce qu'il y a de plus standard où, après avoir relancé avant le flop, je m'apprête à abandonner la main car le flop touche beaucoup trop sa range. Le turn m'apporte néanmoins le tirage couleur max, je paye donc logiquement la mise de mon adversaire et touche la précieuse couleur sur la river. Après une mise de ce dernier et une relance de ma part, il décide de passer et ne manquera pas de me rabâcher à maintes reprises : « I had you crushed so badly ! », comme si je venais de lui infliger le pire bad beat de sa vie.

Un autre n'est pas loin de m'insulter quand je paye une mise de continuation sur un flop [As][8d][5h] avec [7s][8s] pour trouver ma deuxième paire sur le turn. Amusé par la situation, un jeune joueur me fait remarquer qu'il n'a jamais vu des joueurs tilter autant suite à deux mains aussi banales. A croire qu'une présence féminine à la table n'est pas toujours appréciée !

Mais l'important est que la machine est bel et bien lancée.

Je double rapidement mon tapis en gagnant quelques gros pots et une multitude de petits. Le ton de la journée est donné, et mon image ne va pas tarder à payer... Visiblement peu consciente de son image, la serrure de la table n'hésite pas à envoyer directement ses 60 blindes avec As-Roi sur un simple 3-bet car il me voit sur-relancer à tout-va. Pas de bol, j'avais deux As et paie debout sur la table ! Pas au sens propre, mais ce n'est pourtant pas l'envie qui m'en manque...

Mon acolyte, toujours énervé par la main précédente, ne tarde pas à payer en tilt avec un brelan pour tout son tapis river alors qu'il parait évident que j'ai un Full. Encore 65 blindes pour maman ! Un troisième joueur solide jusque-là finit par craquer et m'envoyer son tapis avec hauteur dame, alors que je détiens une top-paire avec Roi-Dame. Je suis dans un doux rêve... Serait-ce la pleine lune ?

J'ai ainsi cinq fois le tapis moyen (oui, cinq fois !) à la pause dîner et, quelques heures plus tard, je me retrouve chipleader du tournoi... Easy game quand on run good ! Pour finir la journée en beauté et en toute confiance, je mets fin aux hostilités en payant 3 mises d'un de mes adversaires avec la troisième paire, pour remporter un joli pot contre sa hauteur, me permettant ainsi de passer la barre du demi-million. J'entamerai le jour 3 en tête du classement.

Relativiser mon statut de chipleader

Évidemment très heureuse de cette journée de rêve, je garde néanmoins les pieds sur terre. Être chipleader au début d'un Jour 3 dans un tournoi qui dure sept jours, c'est finalement assez insignifiant. On a beau prendre un excellent départ et poser de bonnes bases pour aller loin, rien n'empêche de subir une journée horrible où rien ne va. Je m'en suis bien rendu compte au Ladies event quelques jours plus tôt... Pas de réjouissances prématurées donc, il me faut simplement bien analyser mes tables et prendre la bonne décision lors de chaque situation. Facile à dire, mais j'ai pourtant du mal à contrôler l'euphorie du moment et passe une très mauvaise nuit.

Fatiguée et après avoir répondu à de nombreuses demandes d'interviews, j'entame alors une troisième journée que je sens pénible dès la reprise. Je perds plusieurs gros pots, je sens ma table beaucoup plus agressive, un joueur me paie d'entrée 3 mises, flop, turn et river alors qu'il possède 55 sur [Js][2d][4s][Ts][3c] dans un pot où j'ai sur-relancé avant le flop... Je garde mon calme et essaie de me recentrer, de revenir à un jeu plus solide. Une longue traversée du désert s'ensuit.

Ne pas forcer les choses et s'armer de beaucoup de patience, c'est la clé. Avec la fatigue, je préfère ne pas me mettre dans des situations trop marginales et éviter de prendre trop de risques. Quelques erreurs peuvent coûter cher et je n'ai vraiment pas besoin de me mettre en danger. Ma stratégie s'avère payante lorsqu'un joueur me bluff avec Roi-Dame sur A85T. J'avais juste payé sa relance préflop avec As-Roi. Je reprends ainsi les devants et parviens à accrocher le top 50 sur les 720 joueurs encore en lice grâce à mon avance considérable prise le jour précédent. Mais que ce Jour 3 fut éprouvant...

Entrée dans l'argent et nouveaux objectifs

Jour 4. La tension est palpable. On est proche de la bulle. Chaque jour, le Rio est un peu moins occupé. On se rend compte en passant dans les couloirs que le Graal est de plus en plus proche. De mon côté, la reprise n'est pas idéale. Cela ne m'enchante pas de perdre 90,000 avec un brelan floppé sur la première main de la journée...

D'autant plus que la table n'a pas l'air commode et que mon coéquipier Tristan, qui me talonne avec un tapis imposant, se retrouve face à moi. Alors que je me délecte de le voir gagner de jolis pots et que la bulle approche à grands pas, les choses se passent moins bien pour moi. C'est néanmoins sans douleur que l'argent est atteint avant même la fin du premier niveau.

Évidemment avec un tel tapis, je n'explose pas de joie et ose avoir des attentes un peu plus élevées ! Mais ne nous le cachons pas, la satisfaction d'atteindre les places payées lors de mon premier Main Event est bien présente. A cet instant, c'est un nouveau tournoi qui commence pour moi. Je suis prête à passer aux choses sérieuses.

Après plus de 4 heures de jeu avec Tristan pour compagnon de table, j'ai le plaisir d'entendre le son de la délivrance « we're breaking the table ! » (la table casse !). A peine revenue de la pause dîner, l'un des gros tapis de la table décide de se frotter à moi. Mal lui en a pris, il y laissera sa chemise. Après une relance premier de parole, mon adversaire effectue une mise de continuation sur un flop [8d][9d][9s]. Avec une bonne image à cette table, je me contente de payer avec les Valets. Je joue plutôt bien puisque le turn est un [Jd] qui me donne full max. Mon adversaire place un petit check raise à tapis, rien que ça, avec la couleur maximale. Il n'a plus aucune chance de gagner dans ce pot de plus de deux fois la moyenne.

Avec son tapis de 56 blindes, il a surévalué la force de sa main. Son check-raise n'accomplit rien puisqu'il n'est payé que par mieux et fait passer les mains qu'il bat. J'aurais ici passé une couleur. Mes espérances de finir la journée au-dessus de la barre symbolique du million de jetons sont plus que satisfaites à l'issue du dernier niveau. Encore une journée qui, à l'image des précédentes, se termine sur les chapeaux de roue.

Jour 5 : Vite dissiper la pression

La tension et le stress montent encore d'un cran au Jour 5. J'appréhende cette journée en découvrant ma table. A ma gauche, l'excellent joueur de cash games Timothy Adams, détenteur d'un bracelet depuis peu, est assis avec un tapis supérieur au mien. Je reconnais également le français Eric Le Goff muni d'un énorme tapis et Freddy Deeb, shortstack. J'opte pour une stratégie solide, pensant que le bon joueur à ma gauche va vouloir profiter de son stack et de sa position pour me mener la vie dure si j'adopte un jeu trop loose et agressif. Finalement, ma journée sera toute autre : je me retrouve à 3-bet, squeeze et 4-bet à tout va, et je dois dire que je m'amuse beaucoup ! Du moins jusqu'à ce que mon futur bourreau Andras Koroknai se joigne à nous...

Eric Le Goff relance premier de parole et Koroknai se contente de payer. Comme à mon habitude, je décide de placer un petit squeeze, mais cette fois avec une premium : [As][Ks] ! J'ai été tellement active que je me réjouis d'avance en imaginant l'action que je vais créer. Comme envisagé, le joueur en petite blinde, Webber Kang, solide mais décent, place un 4-bet. Le Goff passe et Koroknai, après avoir demandé le montant du tapis de la petite blinde, décide de 5-bet, se retrouvant plus ou moins obligé de payer en cas de futur tapis chez Kang. Une première pensée me traverse l'esprit... Peut-il faire ça avec une range mergée, car il sait que la petite blinde a un bon spot pour 4-bet light ?

J'ai l'impression que j'essaie de trouver n'importe quelle excuse pour justifier un tapis de ma part. Je n'aime pas fold en général. Encore moins quand il s'agit d'As-Roi préflop. La joueuse de cash game qui est en moi doit se faire violence pour passer ce genre de mains. Surtout avec ce momentum et après avoir créé tant d'action. Mais j'ai tout de même 120 blindes et Koroknai me couvre.

Je me raisonne. Le hongrois a forcément slowplay une grosse paire, car il savait que j'allais squeeze une fois de plus. Et maintenant qu'il a de l'action, il veut tout voir partir au milieu contre Kang. Je passe à regret. Kang envoie le reste de son tapis avec deux Dames et est payé par... Roi-Dame ! Je grimace en découvrant le flop [8s][9s][4c]. Le turn et la river m'achèvent, apportant un As puis la couleur max... Ouch ! Dur de savoir qu'on vient de passer à côté d'un pot de 150 blindes...

Je pense néanmoins que le fold est bon. Je n'avais à cet instant que peu d'informations sur le joueur hongrois et j'estime qu'il montrera une main aussi faible trop rarement pour que le shove soit profitable. Mais pas de quoi se décourager, j'ai tout de même un très gros tapis et après avoir repris mes esprits, je continue tranquillement mon grind jusqu'à la fin de la journée. Inutile de préciser qu'en plus de bien jouer, j'ai beaucoup de réussite. Une fois de plus, l'après dîner sera une nouvelle embellie.

Seul point noir de la journée, mon moral est quelque peu ébranlé au cours de la dernière heure de jeu. La faute à une main ayant suscité beaucoup de controverses. Sur les blindes 15,000/30,000, je relance à 60,000 première de parole. Koroknai, qui ne s'est pas aperçu que je suis dans le coup, annonce « all-in » pour près de 1,3 million afin de faire passer Gavin Smith qui est shortstack en grosse blinde. Ce dernier passe et Koroknai jette sa main immédiatement.

Lorsqu'il se rend compte de son erreur, la main est déjà perdue, et une seule de ses deux cartes a pu être retrouvée dans la défausse. Le floor arrive, je lui annonce mon intention de payer le tapis, et après cinq minutes de silence, il décide que le joueur hongrois ne perdra que le montant de ma relance, soit 60,000. J'avais une paire de Rois dans ce coup... Dépitée, je prends sur moi et tente de rester concentrée pour la demi-heure de jeu restante.

Une fois à mon hôtel, je ne peux m'empêcher de ressasser le coup. Je sais qu'il va me falloir une bonne nuit de sommeil pour récupérer et être en forme le lendemain. La fatigue commence à se faire sentir et même si l'adrénaline me tient bien en forme, les journées paraissent de plus en plus longues. Ce n'est vraiment pas le moment de craquer. Malheureusement, ma nuit sera très agitée. Je ne parviens pas à trouver le sommeil. Dès que j'arrive enfin à m'assoupir, je me réveille en pensant à cette foutue main. C'est idiot, mais elle me hantera toute la nuit.

L'enfer de la table télévisée

Le lendemain, pas très fraîche, je me retrouve en table télévisée. Je me sentais bien mieux dans mon coin. Je devrais être excitée de faire ma première table télé au Main Event des WSOP. Il n'en est rien. Ça m'angoisse, je redoute les jugements à venir. Je ne suis pas dans un bon état d'esprit. Pourtant, la journée commence bien. Je fais un bon hero call, je gagne un flip contre un shortstack, mais je sens que la journée va être très longue et suis extrêmement nerveuse. Peu de temps après, je perds mon premier gros pot de la journée.

Je relance les As première de parole et le canadien Marc Ladouceur défend depuis la grosse blinde. Sur un flop [Ks][Qd][2c], il décide de donk bet. Étant donné mon pourcentage élevé de c-bet, je m'attends à ce qu'il fasse ça avec un éventail de mains relativement faible, du type tirage ventral et quelques tirages backdoor. J'exclue les double paires et brelans de sa range avec lesquels il opterait certainement pour un check-raise ou un check-call. Je paye sa mise.

J'ai la meilleure main, mais je n'ai aucune raison de le relancer pour lui faire passer les mains que je domine, qui n'ont que très peu d'équité et avec lesquelles il risque de continuer son agression. Le turn apporte un Dix, et c'est évidemment la pire carte du paquet pour moi d'après l'éventail de mains sur lequel je le mets. Je décide de payer pour réévaluer à la rivière, pensant qu'il va souvent abandonner ses bluffs. La river est une brique et il envoie une troisième grosse sacoche. Ma première intuition est qu'il ne bluff pas et qu'il faut passer ma main. Mais je n'aime pas passer, et mes travers de calling station me rattrapent sous le coup de la fatigue et de la nervosité. Je lui demande s'il a touché sa gutshot, et finis par payer. Il retourne sans surprise J9s. Quel mauvais call. Je me sens minable de lui avoir annoncé sa main sans avoir été capable de passer.

Mais la journée est loin d'être finie, et après avoir tenu bon quelques heures de plus, me revoilà parmi le top 10. Pour une courte durée seulement... A bout de nerfs, épuisée mentalement et physiquement, je multiplie les erreurs, d'autant plus qu'avec 50 blindes, je me sens beaucoup moins dans mon élément qu'avec mon tapis des jours précédents qui oscillait entre 100 et 300 blindes. Je comprends également l'importance d'une bonne préparation physique ! Entre des calls en tilt, bluffs médiocres, appréciation erronée de mes adversaires et fausse impression de me faire marcher dessus, je prends beaucoup de décisions plus que discutables. Je joue trop de mains pour abandonner ensuite.

Ou à l'inverse, je m'embarque dans des bluffs qui coûtent chers et rechigne à mettre le dernier barrel lorsqu'il le faut. Les tables sont évidemment plus difficiles, et j'y laisse beaucoup trop de jetons. Alors que l'on s'approche (enfin) de la fin de la journée et que je suis clairement en train de jouer mon C-game, on nous annonce au micro qu'au lieu de s'arrêter à l'heure prévue, nous continuerons de jouer jusqu'aux trois dernières tables (27 joueurs), puisque nous ne sommes déjà plus que 28.

Après 6 jours de tournoi et une dernière nuit sans dormir, l'annonce est fracassante... J'ai l'impression de me prendre un bus en pleine face. Je survivrai néanmoins jusqu'à la fin, non sans y laisser quelques nouvelles plumes. Il faut attendre 2h30 du mat' pour voir le dernier joueur être éliminé. Je vais boire un verre en compagnie de MoNteiRoZor., Kzouls et YoH_ViraL. De toute façon, impossible de dormir sur le champ. Je suis trop énervée contre moi pour espérer trouver le sommeil. On discute de ma journée, je finis par me calmer. Avec le repos, tout ira demain, j'en suis sûre...

Pour entrer dans la légende...

Jour 7. La dernière ligne droite pour entrer dans la légende. J'ai du mal à ne pas m'imaginer en table finale. Mon tournoi s'est déroulé comme dans un rêve. Je ne vois pas comment tout pourrait s'arrêter maintenant. Je dois aller au bout, impossible qu'il en soit autrement. Munie d'un tapis de 6,5 millions, j'entame la journée beaucoup plus sereine que la veille, gonflée à bloc par une excellente nuit de sommeil. Ce qui ne m'empêche pas de tomber dès les premières heures de jeu à 20 blindes, après quelques malheureux pots perdus. Je parviens cependant à remonter à 40 blindes en doublant avec une paire de 10 contre les 9. S'ensuit un gros désert, alors que nous passons à 2 tables. Soit 18 joueurs... 18 pour 9 places en finale et devenir October Nine !

Bonne dernière au classement avec une dizaine de blindes, complètement card dead pendant plusieurs heures, je ne trouve aucun spot favorable pour doubler. Au final, ma journée n'est pas très intéressante mais je suis contente d'avoir su gérer mon petit tapis avec si peu de jeu jusqu'à la pré table finale. J'oscillerai entre 5 et 20 blindes sans parvenir à remonter pour de bon. Pendant ce temps, les éliminations vont bon train, et vers 23h40, nous ne sommes plus que 10 joueurs en course.

On y est, la dernière table du Main Event. Il y en avait plus de 733 au départ, réparties sur 3 salles. Et nous sommes désormais sur l'ultime restante, au cœur du vaisseau ESPN, avec des supporters massés dans les gradins nous transportant au cœur d'un stade de foot. Le plus dur semble passé, et c'est un soulagement. Mais c'est maintenant que débute l'ultime épreuve. J'ai toujours un très petit tapis, loin derrière les 9 autres et je suis clairement la cible. Le rail français est déjà bien en place lorsque la pré-table finale reprend à minuit et manifeste sa joie à en perdre la voix à chaque pot que je gagne. Un quart d'heure plus tard, tombée à nouveau à 5 blindes, je trouve en grosse blinde une paire de Rois qui me permet de doubler contre le Valet-Neuf de Greg Merson. Je respire. Quelques mains plus tard, je décide d'envoyer mon tapis à nouveau avec As-Trois au cut-off. Tout le monde passe.

Après avoir bataillé toute la journée, je suis complètement euphorique après mon double up. Je me sens invincible, comme si j'étais sortie d'affaire, alors que je suis toujours loin derrière le deuxième plus petit tapis. Je m'imagine que la journée va se terminer bientôt, quand j'aurais dû être prête à jouer quelques heures de plus.

J'ouvre As-Neuf au hi-jack alors que j'ai à peine fini de ranger mes jetons. J'ai été tellement card dead tout au long de cette journée que je ne me vois pas passer cette main. Ne voulant pas donner de timing tells, je ne prends pas le temps de recompter mon stack exact. Je pense avoir 15 blinds, puisque j'ai doublé avec 5 blindes et pris les blindes et antes le coup suivant. Je ne me rends pas compte qu'en réalité, j'ai doublé avec pas loin de 6 blindes et que je suis donc remontée à 17 blindes... Au lieu de raise/fold, je décide d'envoyer directement mon tapis. Le hongrois en grosse blinde réfléchit puis finit par payer avec As-Valet...

J'ai beau espérer jusqu'à la river et croire que ça ne peut pas se terminer de cette façon, c'est bel et bien la fin de l'aventure pour moi. Tant de frustration et de déception à échouer si près du but. Les October 9 célèbrent leur victoire, tandis que je retombe sur mon siège, complètement abasourdie. Je suis anéantie, j'ai le sentiment d'avoir tout gâché, de ne pas avoir été à la hauteur.

A chaud, je suis persuadée que mon erreur est impardonnable et que je m'en voudrais terriblement pendant très longtemps. Je quitte le casino après quelques douloureuses interviews et nous passons le reste de la soirée dans un bar, en compagnie des Français restés pour me soutenir. Plus que quelques heures avant le décollage de mon avion. Tant mieux, je n'ai qu'une envie, quitter Vegas au plus vite. Je sais qu'il me faudra du temps pour digérer mon erreur et cette 10ème place.

Arrivée en Alsace, je m'offre deux semaines de repos bien méritées. Entourée de ma famille, je prends réellement conscience de l'ampleur de ce que j'ai accompli. La déception laisse petit à petit place à beaucoup de fierté, de joie et de satisfaction. Avec du recul, je peux maintenant analyser et comprendre mes erreurs. Les regrets disparaissent peu à peu. Outre l'accumulation de la fatigue, d'une pression hallucinante et d'une nervosité extrême, ce sont l'euphorie du moment et mon manque d'expérience dans les gros tournois live qui m'ont fait chanceler au pied de la dernière marche.

Mais aujourd'hui, j'en tire un bilan extrêmement positif. Pendant ces sept jours de tournois, j'ai appris à mieux me connaître et j'ai su pointer du doigt mes faiblesses. Je suis sur la bonne voie, j'apprends de mes erreurs. Encore quelques efforts et en conservant autant de détermination, la première place arrivera un jour !


O RLY

Une des premières vraies terreurs au féminin de la nouvelle génération. Un talent fou de choc et de charme !

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