Winamax

Les jeux sont faits, rien ne va plus !

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Samedi 24 octobre 2009

« Je suis noir »
« Qu'est-ce qu'il est cutard ! »
« Le jour où je serai en forme, vous verrez... »
« Pour gagner, il faut jouer contre les noirots »

Et j'en passe.. C'est le genre de déblatérage que je supporte à longueur de journée dans les cercles de jeux parisiens. Le pire, c'est qu'il ne provient pas uniquement des amateurs qui viennent passer du bon temps. Ce qui serait à la rigueur excusable : chercher une excuse vis à vis de la défaite pour se cacher ses faiblesses technique, ça peut se comprendre. Mais non, beaucoup de pros (et pas seulement de l'ancienne école) croient à la présence du « mystique » dans les cartes. J'ai essayé de les persuader du contraire, mais rien à faire. Pour eux, Phil Ivey aura toujours plus de paire d'As que le commun des mortels.

J'écris ce post en raison de mes récents échecs lors des tournois internationaux. Certains se rassurent en clamant haut et fort leur évident manque de chance... Je préfère me rassurer par ma philosophie cartésienne, qui consiste à tout rapporter au bon sens des mathématiques.

Je viens de sauter de l'EPT de Varsovie. Après mon échec en demi-finales à Chypre et le désastre du High-Roller à Marrakech (KK contre AA à la bulle pour le pot du chip-lead), le scénario s'est répété en Pologne. Comme souvent, je suis arrivé pour l'avant-dernier jour bien muni en jetons. Mais les short-stacks se sont régalés sur mon joli tapis. J'ai perdu trois coups inévitables (A9 contre le AT du micro tapis Shaun Deeb, 88 contre TT, et TT contre KK), avant de 3-bet all-in depuis la grosse blinde face à une attaque de la petite. Il avait 88, j'avais 75, c'est le seul coup contestable mais que je considère comme mathématiquement correct.

A ce moment là, je suis enragé, je ne peux plus tenir en place, j'en ai presque oublié d'encaisser mes gains... Presque. Je décide donc de sauter dans le premier avion pour Paris, deux heures à peine après mon élimination en 19ème place.

Barrière organise un tournoi High-Roller : une bonne occasion pour évacuer ma déception. Il faut que je le joue, et que je gagne quelque chose à tout prix. L'avion décolle à 16 heures 20, et atterrit deux heures trente plus tard. Le tournoi commence dans une heure : je réserve donc un taxi-moto, parce que Enghien, c'est pas tout près de Charles de Gaulle.

Mon envie de gagner est plus forte que tout. Pourtant, les parties de cash-game se passent bien ces temps-ci. Winamax me donne des bons flops, et les croupier(e)s m'envoient des ondes positives, ce qui me permet de trouver de belles rivières.

Le problème, c'est que je ne retire que peu de satisfaction après une session gagnante en cash-game. C'est plus de la routine qu'autre chose. Gagner en tournoi offre un plaisir incomparable, et c'est ce que je recherche désespérément. C'est pour cela que je souhaite remercier Cuts de faire tant de résultats cette année. Grâce à lui, je n'ai jamais été aussi motivé de toute ma vie lors des tournois EPT et WPT. Je joue bien, parfois très bien (à l'exception du Day 2 à Varsovie), mes projets et mon niveau sont tirés vers le haut. Je retrouve l'envie de gagner. Je réapprends à apprendre, aussi.

Bref, le tournoi n'a pas commencé quand j'arrive à Enghien. Je peux même me permettre le luxe de prendre une douche à l'hôtel du casino. Merci Lucille pour la chambre ! Par contre, mauvaise nouvelle, nous ne sommes que neuf participants au tournoi. Mais quelle importance, je veux gagner avant tout.

« Shuffle up and deal ! »

Présentons mes adversaires.

Siège 1 : Antoine Saout, le finaliste du Main Event des WSOP dans une semaine.
Siège 2 : Moi même.
Siège 3 : Jean-Paul Pasqualini, alias « El Korsico »
Siège 4 : Un joueur nommé John
Siège 5 : Un fou sympathique
Siège 6 : Jean-Noël Thorel
Siège 7 : Une personne agréable dont j'ai oublié le prénom
Siège 8 : Roger « Terminator » Hairabedian
Siège 9 : Bruno « X »

Je fais figure de favori avec Antoine, Roger et Jean-Paul. Ce dernier hélas ne verra pas de jeu. Ensuite, John et Bruno ont leur chances. Les autres auront besoin de rencontres favorables pour espérer gagner, vu la structure magnifique qui nous est offerte à nous les pros.

Jean-Noël Thorel est éjecte le premier. D'ordinaire connu pour sa capacité à monter des jetons à une vitesse folle, Jean-Noël est cette fois parti au galop (jargon de turfiste). Le siège 7 était un peu fatigué, et a « gamblé » un coup contre Antoine Saout qui a donc vu son tapis doubler. Le fou sympathique en siège 5 s'est empalé sur ma quinte floppé – il avait un brelan mais ne s'est pas amélioré. Jean-Paul Pasqualini n'a pas vu le jour, et perd sur un squeeze avec AJ – il tombe sur QQ.

Deux heures avant la fin du Day 1, nous ne sommes donc plus que cinq. Les tapis de chacun se valent, mis à part Bruno qui possède son tapis de départ.

Arrive alors un coup très spécial. Je relance UTG avec [Qh][3h]. John me paie en position, et les autres passent. Le flop est 8-3-3. Je commence à baver sur la table, mais heureusement, personne ne m'a vu. Je décide de checker, et mon adversaire fait de même. Le turn est un 6 :  à partir de là, tout va très vite. Je mise 1,400 (les blindes sont à 150/300 ante 25, et les tapis de 60,000 environ). John relance à 3,300. Je 3-bet à 7,000. Il 4-bet à 18,000, je m'arrête là, et paie juste. Le turn : un As. Je check, il mise 18,000 et tapis, je paie bien sur. John retourne A-3 : j'étais dominé de bout en bout.

Pourquoi ais-je commencé ce post en dissertant sur la mystique au poker. Hé bien, à cause de deux petits détails – heureusement que ce coup est arrivé à moi et pas à l'un de mes collègues superstitieux, sinon il y aurait eu suicide collectif. Au moment où j'ai découvert mes cartes, mon Ipod passait une vieille chanson de house, « Put your hands up for Detroit ». Détroit = D3 = Dame-3. Second petit détail : dans l'avion que je venais de quitter un peu plus tôt, j'étais assis au siège D de la rangée 3...

Oui, « on » m'avais prévenu...

Je suis donc « drawing dead ». Il me reste une vingtaine de blindes. On reprend le tournoi demain. Malgré ma destinée qui semble déjà toute tracée, je vais quand même aller tenter le table, et me présenter pour le Day 2. Je sais, je suis fou, me diraient mes amis des cercles. Mais à quoi bon, je suis encore plus têtu que vous !

A bientôt, et merci encore de votre soutien lors de l'EPT de Varsovie.

Epilogue : Antony a finalement terminé en seconde position de ce High-Roller, pour un gain de 30,000 euros !