Winamax

[Blog] Vue à la TV !

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Il y a un peu moins d'un an, j'intégrais le Team Winamax en remportant la Top Shark Academy espagnole. Deux mois plus tard, je faisais mes débuts en live sous mes nouvelles couleurs à l'EPT Paris. À peine le temps de m'habituer à mon nouveau logo Team Pro que je franchissais une nouvelle étape au Winamax Poker Tour de Torrelodones : jouer en table télévisée ! Ayant gagné ma place dans l'équipe W via un concours, je voulais prouver que je n'étais pas arrivée sur cette fameuse table par hasard. Même si, d'un autre côté, je n'en étais pas complètement convaincue moi-même... Il y a quelques années, j'avais déjà joué à une table télévisée et cela ne m'avait pas dérangé, car je n'étais pas connue et je ne me souciais pas des regards extérieurs. Mais cette fois, c'était différent. Des amis et des inconnus allaient pouvoir observer et commenter chacun de mes moves...

Résultat : sous les projecteurs, j'ai totalement perdu pied. J’attachais presque plus d’importance à mon image plutôt qu’au fait de bien jouer. Je sais que cela peut paraître stupide : car si quelqu'un d'autre était à ma place, je lui conseillerais d'ignorer ce que pensent les autres. Beaucoup plus facile à dire qu'à faire. Je pense que ne pas avoir le profil typique d'un joueur de poker et faire partie du Team Winamax a fait que je ne me suis pas sentie à ma place. Je me suis sentie complexée et peu sûre de moi, ce qui n’est pas forcément dans mes habitudes.

Dérèglement technique

À table, j'ai commencé à adopter une approche trop serrée. Je n’arrivais pas à jouer comme je le devais. J'étais gênée. J'imaginais les commentaires sur le fait que j'étais une nit. Puis j'ai appris que nous étions sur le plateau TV depuis une heure, mais qu'il y avait un problème technique et que la diffusion n'avait pas commencé. Je ne savais pas si je devais en rire ou en pleurer, tellement j’avais souffert jusque-là ! À vrai dire, j'étais soulagée que personne n’ait vu les mains que j’avais couchées. C'était comme une deuxième chance.

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Parmi mes compagnons de table, il y avait Tom Bedell, un joueur norvégien très connu de la communauté espagnole et qui amène toujours beaucoup d’action. Pour le reste... ce n'était pas très animé. Pauvres commentateurs... Il n'a pas dû être facile de trouver de l’intérêt à une partie qui ne proposait pas grand-chose. Alors que je commençais à me détendre un peu, je me suis retrouvée dans un pot 3-bet. J'ai payé au flop avec une top pair assortie d'un bon kicker, puis mon adversaire a fait tapis au turn. Je savais que j’étais battue : il n'avait aucun bluff ici. J'allais me coucher, mais j'ai payé en annonçant que j’étais derrière. En fait, je ne sais pas pourquoi j'ai payé. Ou plutôt si : je l'ai fait parce que je m'étais promise de ne pas jouer trop serré. Mon cerveau a vrillé. Je suis sûre que je n’aurais eu aucun problème à coucher cette main si je n'avais pas été à cette table télévisée. Mais le fait de vouloir me débarrasser de cette image de serrure m'a coûté une grande partie de mon tapis. Et en plus, tout le monde allait voir à quel point j’avais mal joué cette main.

La main en elle-même ? Elle n'a pas beaucoup d'importance. Je ne me souviens pas de toute l’action, mais je sais qu'on va me poser des questions à ce sujet, alors... J'avais As-Dame dépareillé, un autre joueur a surrelancé préflop et j’ai payé. Le board est venu As-10-Valet-10, et le Roi-Dame de mon adversaire a donc trouvé une quinte dès le flop. Malgré cela, j'ai évité l'élimination, et j'ai ramé jusqu'à atteindre l'argent et le Day 2. Mais je ne me suis pas pardonnée cet échec et, surtout, je m’en voulais de m’être laissée influencer par ce que les autres pensaient de moi.

Quelques jours plus tard, Stéphane Matheu, le coach du Team, m’a demandé comment je me sentais. Si l'expérience que je vivais au sein du Team était bonne. Je lui ai alors raconté ce qui s'était passé sur cette fameuse table TV. J'avais l'impression d'avoir mal joué à cause de cela. Il m’a donc proposé de travailler ensemble sur ma confiance en moi. Il m'a aidé à ouvrir les yeux sur certains points et m'a rassuré sur ma place dans l'équipe. J'étais très heureuse de lui parler de cette difficulté, et de travailler dessus avec lui.

Fierté, intimité et mental

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Lors du séminaire avec le Team W en avril, j'ai parlé à plusieurs de mes coéquipiers des difficultés rencontrées dûes au simple fait de jouer sous les projecteurs. Adrián Mateos m'a alors expliqué qu'il était classique de voir beaucoup de joueurs payer trop large quand ils se retrouvent à une table télévisée : beaucoup d’entre eux préfèrent faire de mauvais calls plutôt que de se faire bluffer. Je suppose que c'est une question de fierté : nous n'aimons pas nous faire avoir, et que les autres le voient. Non seulement cela m'a permis de mieux comprendre ce qui m'est arrivé, mais en plus, je me suis dit que je pourrai utiliser tout cela à mon avantage à l'avenir.

Au SISMIX de Marrakech, j'ai passé toute la journée à la même table que mon coéquipier Romain Lewis : c'est donc sans surprise que nous avons appris à un moment que nous partions en table télévisée. Au début, je pensais que je me sentirai bien. La table était d'ailleurs très belle, en grande partie en plein air, juste à côté de la piscine du Palace du Es Saadi. Mais ce n'était finalement pas très confortable...

Au Day 2, nous étions proches de la bulle, et c'était important pour moi d'entrer dans les places payées. À la pause, on m'a posé des questions sur un coup et je me suis rendue compte qu'il y avait une erreur dans le stream : ce dernier affichait un tapis plus important que celui que je possédais en réalité. Sinon, une des difficultés que je rencontre lorsque je suis devant les caméras est le manque d'intimité. Sachant que chaque regard, chaque geste et chaque mot sont captés, le fait d'être ainsi exposée me rend plus vulnérable et ajoute plus de pression à chacun de mes choix pendant la partie. Sur une autre main, j'ai fait une bêtise : j'ai eu de la chance et ça s'est bien terminé pour moi, mais cela a affecté mon moral, et c'est plus difficile de cacher ses émotions à une table télévisée.

J'ai parlé dans mon blog précédent de mon expérience à Las Vegas. Mais je suis évidemment obligée d'y revenir une nouvelle fois : j'ai passé plus d'une journée entière à la table télévisée du Main Event des WSOP, le tournoi le plus médiatisé au monde !

Bien jouer, et c'est tout

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Avant le début du Day 5, j'ai rencontré Stéph' pour planifier une stratégie et je lui ai dit : "Je me sens bien, tant que je n'ai pas à aller en table TV." Il n'a pas laissé passer cette remarque, et nous avons étudié ensemble cette possibilité... Bien vu : je me suis retrouvée une nouvelle fois sous les projecteurs. L'expérience précédente et le travail avec le coach m'ont beaucoup aidé. Il était devenu très clair pour moi que je ne me souciais pas de ce que les autres pensaient de moi. La seule chose qui comptait était de bien jouer en raison de l'importance du tournoi. J'étais plus gênée par les distractions aux tables - caméras, micros, lumières et personnel de production, qui demandaient beaucoup d’énergie pour rester concentrée sur le jeu - que par le fait d’être observée. De plus, le jeu en tables télévisée est plus lent car chaque main est communiquée par le croupier à la production : l'atmosphère à la table s'en trouve généralement affectée, les gens n'osant peut-être pas parler autant qu’ils le feraient d’habitude. Mais pas aux WSOP : il y avait un célèbre streamer à ma gauche qui mettait beaucoup d’ambiance.

D'après ma propre expérience, je savais que le fait de passer à la télévision pouvait changer le style de jeu d’un joueur, certains pouvant ajuster leur stratégie pour la rendre plus attrayante à la télévision. C'était clairement le cas du streamer à côté de moi. Il jouait pour le spectacle, et j'en ai profité pour lui prendre quelques jetons. Clairement, je voyais de plus en plus d'avantages à être en table TV. Cela signifiait que je n'étais pas affectée par la pression du public, contrairement aux autres joueurs. Le fait d'avoir des proches qui regardaient en direct était aussi très positif. João Vieira m'a ainsi donné des conseils très utiles : comment ne laisser échapper aucun tell, et aussi sur la stratégie à adopter en fonction de la perception que les autres joueurs pouvaient avoir de moi. Un autre ami m'a également renseigné sur les autres joueurs de la table, en regardant comment chacun jouait. Oui, ça commencait à être cool de passer à la télé !

L'essayer, c'est l'adopter ?

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Il m'a fallu quelques jours pour digérer mon expérience dans ce tournoi, et pour comprendre à quel point elle avait été positive : terminer last woman standing du Main Event des WSOP, et le faire devant les caméras, c'est quelque chose ! Ceci dit, je pense que j'ai eu beaucoup de chance de jouer sur cette table télévisée et d'être vue par un large public. La visibilité en tant que joueur de poker peut m'apporter de la reconnaissance et des opportunités. En outre, le fait d'avoir un profil différent me semble être une bonne promotion pour le poker en général. Plusieurs joueurs m'ont dit que leurs compagnes avaient regardé du poker avec eux en raison de ma présence sur cette table télévisée. Cela m'a fait très plaisir.

Par la suite, je pensais que cela ne me dérangerait plus d'être à une table télévisée, et que je pouvais même en profiter. Mais les humains, moi en tout cas, ne sont pas toujours très rationnels. Fin septembre, je suis allée à Bratislava peu après un coup dur dans ma vie personnelle : il me semblait important de tout faire pour retrouver le moral, et quoi de mieux qu’un festival de poker pour se détendre ? J'étais heureuse de revoir les gens que j'apprécie et de rencontrer de nouvelles personnes. J'ai aussi aimé rejouer en live, même si je n'ai pas réussi à rester focus très longtemps. En revanche, je n'ai pas aimé devoir retourner à la table télévisée pour certaines des raisons énoncées plus haut. De plus, en tant que représentante de Winamax, je me sentais obligée de paraître de meilleure humeur que je ne l'étais vraiment. J'ai perdu patience pendant quelques secondes et ce qui devait arriver arriva...

Une chose est sûre : jouer en table télévisée, c'est une expérience unique et une émotion inoubliable. Le fait d'être soumis à une telle pression est un excellent entraînement et un vrai défi personnel. Le surmonter a été pour moi une vraie source de satisfaction.

À bientôt aux tables... télévisées, ou pas !


Dourbie

Cette Française expatriée en Espagne est devenue la première femme à remporter la Top Shark Academy après une finale parfaitement maîtrisée.

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