L'excitation était énorme avant d'aller jouer les WSOP. D'abord parce qu'entre le Covid en 2020 et la naissance de mon fils l'an passé, qui ne m'a permis que d'y aller huit jours, cela faisait très longtemps que je n'avais pas fait de vrai gros Vegas. Ensuite car j'y ai souvent eu des très bons résultats et le field me convient parfaitement. Ma motivation de gagner un nouveau bracelet reste donc intacte.

J'y suis d'abord parti dix jours tout seul. J'ai joué quelques beaux tournois, pour ensuite rentrer une semaine à la maison et y retourner un peu plus tard avec toute ma famille pendant 18 jours. Cela demande de l'organisation, et je le voyais un peu comme un test, car je compte faire ce voyage en famille chaque année jusqu'à ce que mes enfants atteignent leur majorité.

J'ai pu jouer les tournois que j'affectionne particulièrement, mais mon objectif principal restait une grosse perf sur le Main Event. C'est la chose qui manque à mon palmarès, et le gagner un jour a toujours été mon rêve ultime de joueur de poker. Je pense sincèrement que si je me donne à 100%, la grosse perf' va finir par tomber : j'y ai acquis énormément d'expérience au fil des ans, et mon style de jeu exploitant est particulièrement adapté sur ce tournoi. Allez, c'est parti pour un résumé de mon V.E.G.A.S. !

V - Victoire

Bon d'accord, je n’ai pas gagné de bracelet cette année. Mais c'est toujours jouissif de voir gagner des joueurs que je connais depuis longtemps et que j’apprécie, comme les Julien (Pérouse et Martini), ou encore de voir des jeunes joueurs français que je connais moins remporter un bracelet. Et oui, j'ai beau être Belge, je n’ai pas le seum pour autant (d'ailleurs je déteste ce mot). Je suis entouré de joueurs français toute l'année et je tire mon chapeau aux Tricolores pour avoir remporté cinq bracelets, c’est vraiment énorme. Malheureusement, la Belgique n'a rien gagné cette année. Pourtant, nous avons dans notre plat pays des joueurs exceptionnellement bons, mais nous ne sommes pas assez nombreux à participer aux tournois. Autre très belle victoire, celle de João Vieira sur le Highroller à 50 000 $. On fait partie de la même famille, le Team Winamax, et c’est un joueur super inspirant que j’admire beaucoup. Après les trois titres de l’année dernière, il fallait impérativement que le Team Winamax confirme et revienne avec au moins un bracelet cette année. Merci Naza !

E - Exploitation

J’ai tank au moins deux minutes entre Exploitation et Expérience, mais les deux sont liés d’une certaine manière. Durant les WSOP, le jeu GTO ne fonctionne pas du tout. J’ai beaucoup d’amis très forts techniquement qui, chaque année, se font défoncer. Ils se lancent dans des réflexions du genre : « J’ai le top de ma range, je ne peux pas fold », sauf que ça ne fonctionne pas ! L'Américain moyen ne bluffe pas, point barre, c’est aussi simple que ça. Admettons qu'on overfold la rivière : même si on se fait bluffer une fois sur cent, sur le long terme, cela sera beaucoup plus profitable. Cela étant dit, ce qui est surtout intéressant à Vegas, c’est la diversité de styles que l'on peut rencontrer. La clé pour maximiser son EV est donc bien de « profiler » nos adversaires du mieux possible, pour ensuite s’adapter à leur style de jeu.

G - Gagné ou pas gagné

Certes, mon bilan 2022 n'est pas exceptionnel, mais j’ai gagné ! Je termine très légèrement positif sur l’ensemble des WSOP (autour de + 2 000 $). Je compte deux gros deep runs à mon actif : une 18e place (sur 1 348 entrées) sur le "3K 6-max", puis une 15e place (sur 394 joueurs) sur le "10K 6-max". De quoi confirmer mon edge sur les tournois short-handed. Notre entraînement online sur Winamax paie, on le voit aussi sur les résultats exceptionnels des Français dans ce format. Je suis en revanche déçu de mes résultats sur les tournois de PLO, même si je reste convaincu que la plupart des Américains y sont mauvais, et que mon EV est élevée sur le long terme. Triste enfin de m'être fait sortir au Day 2 du Main Event. Cela fait longtemps que j’attends un deep run sur le Big One avec impatience, et je suis certain qu’il va finir par se produire !

A - Adrénaline

Bien sûr, il y a l'adrénaline au poker, quand tu gagnes des gros pots, ou que tu deep run un tournoi. Mais cette année, l'adrénaline est surtout venue d’ailleurs. Le 17 juillet, alors que nous ne sommes plus qu’une petite cinquantaine sur le tournoi 6-max Championship qui a lieu au Paris, ma femme Caro est parvenue à se libérer pour venir me rail. Soudainement, vers 22h30, une foule se précipite vers le fond de la salle, là où nous jouons, en criant « Shooter, shooter! ». Je vais chercher ma femme et on court : elle perd ses chaussures, je casse mes lunettes de soleil et, je ne sais pas comment, on se retrouve dans une cuisine. Un joueur de poker avec nous trouve le bouton pour fermer les grilles, et ensemble, on déplace un frigo devant la porte. On est enfermés dans cette cuisine avec trois autres joueurs de poker et un cuisinier des lieux. Le cuisinier nous explique qu’il a entendu trois coups de feu dans le couloir du Paris. Je commence à regarder sur les réseaux sociaux et je lis qu’il y a des tireurs dans plusieurs casinos du Strip. Le stress monte.

Ma femme appelle la babysitter et lui explique la situation, elle appelle aussi des membres de la famille. C’est seulement après une trentaine de minutes, que l'on apprend qu'il s'agit peut-être d'une fausse alerte : un mouvement de panique se serait créé suite à une vitre brisée au MGM, un peu plus bas. Cette version est rapidement confirmée : on peut enfin souffler ! Des policiers viennent nous sortir de notre cachette, on retrouve les membres de Dans La Tête d’un Pro, Pierre (Calamusa, en sang), sa copine Delphine, Alex Réard (blessé au coude) et d’autres joueurs de poker. Tout le monde a eu très peur. Le fait que ma femme était avec moi, et que nous sommes parents, a sans doute encore démultiplié mes émotions. J’ai pu aussi un tout petit peu mieux comprendre le traumatisme des survivants de tueries de masses. Sauf que ce jour-là à Las Vegas, il ne s’est heureusement rien passé, à part un gigantesque vent de panique.

S - Souriez, vous êtes filmés

Dans la Tête d’un Pro m’a un peu suivi sur deux tournois... mais ne comptez pas sur moi pour spoil. C’est toujours un plaisir de participer à cette émission de qualité. Je connais l’équipe depuis 2008, on a à peu près le même âge, et ils sont devenus de vrais potes au fil des années. Merci Regis, Paco, Junior & Co. pour votre gentillesse, votre décontraction et votre talent.

De manière générale, ce n’était pas mon meilleur Vegas. Même si je n’ai pas perdu d’argent, mes attentes sont chaque année très élevées, parce qu'il s'agit sans doute de l’endroit au monde où je me sens le plus fort. Il a manqué une table finale et bien sûr une victoire, pour aller chercher les gros sous ! Au départ, j’étais satisfait du changement de lieu, du Rio vers le Paris/Bally's, mais apès coup, je ne sais pas quoi en penser : il y a quand même beaucoup de monde sur le Strip, et on s’y sent un peu moins confortable. Il a aussi fait très, très chaud, ce qui n’a pas toujours rendu les choses faciles, surtout pour ma famille présente sur place. Mais de manière générale, ils se sont bien amusés : il y a pas mal d'activités pour les enfants à Las Vegas, comme des aires de jeux intérieurs, de nombreux aquariums et les décors de la ville en eux-mêmes sont impressionnants.

Retrouver la sensation des WSOP reste exceptionnel. C'est un festival qui continue de me faire rêver, et j'adore le partager avec les amis du Team mais aussi toute la communauté poker. Je ressens beaucoup de gratitude à faire ce métier, à faire partie de cette équipe exceptionnelle, et d’avoir construit une petite famille aussi formidable.

On se donne rendez-vous très vite pour l’EPT Barcelone. Alleeeeez saluuuut, comme on a dit !