[Blog] To be or not to be (a pro)
Par Général Life Style
dansDepuis ma réintégration dans le team Winamax, je reçois beaucoup de sollicitations sur les réseaux sociaux de joueurs qui souhaiteraient devenir professionnels ou, pour commencer, devenir gagnants. Certaines demandes tiennent en une ou deux phrases - "Comment je fais pour gagner au poker ? Juste un conseil simple, que je peux appliquer maintenant tout de suite." - tandis que d’autres démarches sont plus élaborées mais ne témoignent pas d’une volonté de fournir les efforts nécessaires pour y parvenir.
Tout cela suscite chez moi pas mal de questions, dont une qui englobe toutes les autres : dois-je réellement, en mon âme et conscience, encourager des gens à essayer de devenir pro ? La réponse va bien plus loin qu'un simple "oui" ou "non". À l'heure où fleurissent les formations et coachings en tous genres, mais aussi où le niveau général n'a jamais été aussi élevé, est-il encore possible pour un néophyte passionné d'atteindre le Graal et de réussir à vivre de sa passion ? Est-il possible de suivre à la lettre les recommandations d'un mentor, existe-t-il une recette toute faite vers le succès, ou doit-on vivre sa propre expérience ?
Apprendre de ses erreurs
J'ai appris le poker à la dure. Mon cheminement s'est fait dans la douleur. Tout a pourtant débuté sur un run good : j’ai remporté le tout premier tournoi que j’ai joué, et j’ai monté assez vite plusieurs milliers de dollars en cash game. J’avais des étoiles dans les yeux et j’ai fait des plans sur la comète en un temps record. Un départ en fanfare que connut aussi mon meilleur pote Yassine, avec qui j'ai commencé à jouer. Après avoir déposé 200 $ sur Internet, il prit place sur une NL600, gagna un pot à 1 000 $ et retira tout immédiatement. Mille dollars, rendez-vous compte !
À l’époque, nous étions étudiants et à Sherbrooke, la ville du Canada où nous habitions, il était possible de louer un appartement pour 350 $ par mois. Mille dollars représentait plus que la somme mensuelle reçue des prêts et bourses du gouvernement provincial qui nous servait principalement à vivoter en attendant de décrocher nos diplômes.
Néanmoins, nous avons vite déchanté. Après plusieurs virées au bar du centre-ville qui proposait des parties à la bonne franquette sur des tables vermoulues et quelques heures passées sur Internet à des limites trop hautes et contre des joueurs bien plus forts que nous, couplées à des connaissances théoriques encore balbutiantes, nos bankrolls se sont volatilisées en un tournemain.
Nous sommes en 2011-2012, bien après que le fameux Black Friday a contribué à tarir les rivières du légendaire âge d'or du poker. Légendaire car je n'ai jamais connu cette période, et j'en viens même à douter qu'elle ait réellement existé, un peu comme une légende urbaine. Pour continuer de croire en mes rêves, j'y ai laissé quelque plumes, sacrifié une carrière traditionnelle, me suis éloigné de certaines personnes. Le jeu en valait-il la chandelle ? Je me le demande encore.
Malgré ces multiples circonvolutions, un ventre mou de quelques années et un passage "forcé" par la case vie active "normale", celle pour laquelle nous formate en partie la société, l'école et l'université, nous gardions en tête en filigrane notre quête vers cette terre promise de liberté, de voyages et d'opulence. Toutefois, pendant quelques années, nous n'arrivons pas à décoller car nous continuons à reproduire les mêmes erreurs, notamment en termes de gestion de bankroll et d'organisation logistique. Et comme disait un certain Albert E. : "La définition de la folie, c’est de refaire toujours la même chose, et d’attendre des résultats différents."
De ce fait, est-ce que je conseillerais à un jeune vingtenaire qui débute de suivre le même chemin et de se lancer corps et âme là-dedans ? Probablement pas, à moins d'avoir le cœur bien accroché et de la suite dans les idées. J'estime que le retard à rattraper est un trou beaucoup trop béant pour être comblé en un claquement de doigts.
Accompagnement et discipline
Si rien ne vous retient, que vous vous sentez prêt à tout, je ne suggérerais jamais assez de rechercher de la sollicitude auprès de quelqu'un qui a déjà fait ses preuves et de suivre absolument tout ce qu'il préconise.
Le poker est devenu très compétitif mais peu encore le réalisent tant il est facile de jouer un tournoi ou quelques mains de cash game dans un casino à côté de chez soi ou en cliquant sur des boutons depuis son lit. Non seulement devenir gagnant correspond à un véritable parcours du combattant mais cela suppose la concaténation de plusieurs facteurs et beaucoup de sacrifices, au même titre que devenir sportif de haut niveau.
Sans volonté particulière d'essentialiser, je dirais que les candidats ayant les qualités nécessaires arrivent au compte-goutte. Qui n'a pas rêvé de sortir voir ses amis, d'aller au cinéma ou d'aller pique-niquer au bord de la rivière au lieu de se coltiner une session vespérale de multi-tabling ou d'étude sur des solvers ? Il faut absolument considérer le poker comme un sport de haut niveau. Bien qu'à mon avis nous ne pouvons pas classer le poker parmi les sports traditionnels, la manière d'envisager la pratique peut et doit s'y calquer.
Je vous invite à vous référer à mon blog précédent où j'écris en guise de boutade que "je me suis transformé en Allemand" pour atteindre mes objectifs. Ce que je veux mettre en exergue par-là, c’est la discipline nécessaire pour vraiment devenir professionnel et rester compétitif. On a beau le dire et le répéter, peu de personnes arrivent à vraiment l'appréhender et l'appliquer. Si vous n'êtes pas prêts à cela, mieux vaut renoncer à ces rêves de professionnalisme et modérer vos attentes en considérant ce jeu de cartes avant tout comme un passe-temps. Encore une fois, le poker est une activité qui peut se révéler violente émotionnellement et moralement, sans même parler du risque financier. Tout le monde n’est pas capable de supporter de telles charges.
Alors est-ce que passer professionnel est encore un rêve accessible ? Si vous continuez à reproduire les mêmes erreurs communes (que nous avons pratiquement tous commises un jour) et que vous vivez dans l'attente miraculeuse du "one time", la réponse est clairement non. Si en revanche, vous êtes déterminés, prêts à beaucoup de sacrifices, à suivre la discipline idoine et à chercher l'encadrement nécessaire, alors oui, pourquoi pas.
De mon côté, j'ai choisi la deuxième option et, même si je n’atteins pas le succès espéré, au moins j'aurais tenté le coup à fond et je n’aurais aucun regret.
A por ellos y hasta la vista en Lloret de Mar!