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[Blog] Tanker, c'est tricher ?

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À dix places de l'argent sur le Main Event du PSC Bahamas, je me retrouve avec douze blindes. Un tapis pas franchement confortable quand la moyenne est plus de trois fois supérieure. Je n’ai alors qu'un seul objectif, entrer dans les places payées. Évidemment, les joueurs mieux fournis en jetons le savent et en profitent pour se montrer plus agressifs. Leur stratégie est simple : ne pas laisser respirer les plus petits tapis, dont je fais partie.

En parlant avec différents joueurs de la stratégie à adopter dans ces moments-là, tous me répondent : "Tank !", ou "Stall !". Deux mots dont la portée stratégique pourrait se traduire ainsi : "Puisque la taille de ton tapis et l'arrivée de l'ITM ne te permettent pas de jouer le moindre coup, fais en sorte qu'il y ait le moins possible de mains jouées, en gagnant du temps pour perdre moins de jetons et t'assurer une place dans l'argent." Mais ça, je n'y arrive pas.

Un problème éthique

J'ai bien conscience de vivre dans un monde de Bisounours, mais je n'ai jamais réussi à patienter trente secondes avant le flop avec 8-3 dépareillés en main. Car c'est bien de cela dont on parle : prendre plusieurs dizaines de secondes préflop avant de jeter une merguez, dans le seul but de gagner du temps. Après avoir reçu tous ces messages insistants sur l'importance de tank, j'ai néanmoins essayé aux Bahamas. Résultat ? J'ai tenu quatre secondes avec Roi-Deux !

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Crédit photo : Neil Stoddart

Mon point de vue est qu'il n'est pas éthique de gagner du temps lorsqu'on connaît déjà sa décision. Les seules fois où il est légitime de patienter alors qu'on sait ce qu'on va faire, c'est quand on veut faire faire une erreur à notre adversaire, en prenant par exemple une minute pour 4-bet avant le flop avec deux As, afin de simuler une réflexion.

C'est d'ailleurs inscrit dans le règlement : si un joueur à votre table se plaint parce que vous avez l'air de gagner du temps, il a le droit d'appeler la direction du tournoi. Celle-ci, après un de vos tanks, peut se permettre de regarder vos cartes et, si elle juge que votre temps de réflexion n'était pas approprié (comme patienter vingt secondes avec 8-3), elle peut alors vous mettre une pénalité.

Mais c'est rare. À Barcelone, alors que j'avais un gros tapis à la bulle du Main Event de l'EPT, un joueur abusait en prenant à chaque fois trente secondes pour passer sa main. Il avait dix blindes et, pour moi, c'était néfaste car c'était une période propice à de nombreux vols de blindes. Une fois la bulle éclatée, il s'est étonné : "Je suis surpris que personne n'ait appelé la direction, merci !" Encore une fois trop gentille, je n'avais tout simplement pas osé.

Ne pas le faire, c'est perdre de l'argent

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Le problème aux Bahamas, c'est qu'alors que je ne le faisais pas, les autres n'hésitaient pas. Comme le dit l'article au-dessus paru sur PokerNews, bon nombre de joueurs prenaient un temps fou pour chaque décision. Et mon tapis fondait alors beaucoup plus vite que celui des autres shortstacks.

Il y a quelques temps, j'avais d'ailleurs surpris d'excellents joueurs allemands parler de ce problème récurrent à la bulle. Et tous s'accordaient sur un même propos : "Ne pas le faire est une énorme erreur, cela coûte beaucoup d'argent." Ainsi, puisque certains abusent du règlement en prenant leur temps, on devrait tous le faire ? "On connait la règle, mais tant que personne ne te dit rien à table, tu peux continuer et prendre tout le temps que tu veux, me confiait même un autre joueur avant de poursuivre. Au pire, tu as une pénalité et ta main est passée à une vitesse normale."

Instaurer une shot-clock ?

Le problème est donc là : il est trop facile d'abuser du règlement. Cela peut même modifier toute la nature d'un tournoi. Demandez à Guillaume Diaz. Durant les Winamax Series, alors qu'il était en demi-finale du mastodonte Colossus à 30 euros, un joueur s'est mis à utiliser tout son temps à chaque main. Il a rapidement été imité par un autre, puis un autre, jusqu'à ce que l'ensemble des douze joueurs sur les deux tables se mettent chacun à attendre tout leur temps lors de chaque décision ! Conséquence directe : la moyenne est passée de trente à douze blindes et la finale s'est transformée en une vaste boucherie où il est devenu impossible de jouer au poker avec un minimum de profondeur.

Le poker est une discipline jeune dont le règlement doit encore être amélioré. Pour pallier ce problème, nous connaissons actuellement le main-par-main, notamment à la bulle. Clairement, en ligne, c'est quelque chose qui devrait être automatiquement mis en place sur toutes les demi-finales. En live, j'aime de plus en plus l'idée d'une shot-clock - au contraire de Guillaume, qui avait consacré au sujet un article à part entière en mai dernier : trente secondes maximum par décision et puis trois petites réserves de temps supplémentaires à utiliser quand on le souhaite. En clair, rapprocher le système du jeu online de celui du live et surtout instaurer une égalité entre les joueurs. Car quand l'éthique dicte les règles, ce sont rarement les Bisounours qui en profitent.


O RLY

Une des premières vraies terreurs au féminin de la nouvelle génération. Un talent fou de choc et de charme !

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