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[Blog] Short Stack Ninja

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Davidi Kitai
J’ai toujours prôné une stratégie « play to win » : en tournoi je ne recherche rien d'autre que la première place, ce qui m'amène à prendre des risques aux moments que je juge opportuns.

La période de la bulle est toujours un excellent moment pour mettre en application cette approche. Je m'y montre souvent agressif... Quitte à parfois tout perdre avant d'entrer dans l'argent ! Mais le jeu en vaut la chandelle : la plupart des joueurs ne voulant pas se faire éliminer, on peut facilement accroître son tapis en mettant un maximum de pression sur les joueurs en danger, ou en plaçant des bluffs contre les autres gros tapis de la table.

En revanche, lorsqu'on se retrouve shortstack à l’approche des places payées, on ne vise plus la victoire ! Car rentrer dans l’argent représente une récompense immédiate plus importante que la première place. L’espérance de gain qu'offre notre tapis étant peu élevée, on peut (on doit !) être capable de se contenter d’une simple place payée. Ensuite, une fois in the money (ITM), comme on dit dans le milieu, la maxime « a chip and a chair » prend tout son sens : même avec un seul jeton en guise de tapis, on peut encore croire au miracle. On a déjà vu des joueurs remonter des tapis minuscules pour gagner le tournoi au final. Et pas qu'une seule fois !

J’ai justement vécu un début d’année 2017 particulier : sur nombre des tournois live que j'ai disputés, je me suis souvent retrouvé avec un petit tapis à l’approche des places payées. J’ai dû batailler avec peu de jetons pendant de longues périodes, en adoptant une approche différente du calcul de range habituel. Revenons sur ces phases "short-stack ninja" qui se sont multipliées au cours des six derniers mois...

Main Event PSC Bahamas 2017

Le tournoi démarre avec un tapis de 30 000 jetons, et après avoir atteint le Day 2 avec 34 000 jetons, je n’ai jamais dépassé les 60 000 jusqu’à l’ITM.

Alors que je possédais vingt blindes à trente places de l’argent, j’ai décidé de complètement resserrer mon jeu en ne jouant que des mains premiums, ou des situations dans lesquelles j’étais quasi-sûr d'être ultra-favori. J’ai adopté cette stratégie car le field était important (738 joueurs pour 143 places payées) et que la bulle allait par conséquent durer moins longtemps. Des joueurs moins expérimentés peuvent souvent craquer et des setups inévitables finissent toujours par arriver.

Nemo Short Stack
J’avais eu très peu d’action pendant tout le tournoi mais j’ai assuré les places payées « en toute détente » avec … trois blindes. C’est toujours agréable de gagner un peu d’argent quand on ne run pas particulièrement good.

Pour la petite histoire, après avoir atteint les places payées, comme une récompense pour ma patience tout au long de l’épreuve, j’ai multiplié mon tapis par dix-huit (!) et j’ai gratté quelques paliers, survivant à plus d’une centaine de joueurs avant de me faire éliminer en 45e position.

Main Event PSC Panama 2017 

Après un Day 1 très compliqué, que j’ai terminé avec un maigre tapis de 11 000 jetons (là encore, nous avions débuté la partie avec 30 000), le Day 2 avait plutôt bien commencé, jusqu’à ce que je me fasse bluffer dans un gros pot par un joueur serrure : je me retrouve de nouveau shortstack. Je suis toutefois parvenu à m’accrocher pour terminer la journée à 20 000 jetons, soit 7,5 blindes pour le Day 3, à sept places de l’ITM.

Même si j’avais alors le deuxième plus petit tapis, je suis resté confiant. Contrairement aux Bahamas, mon tapis ne me permettait pas d'attendre l'argent sans jouer une main, j'étais obligé de me mettre à tapis au moins une fois si je voulais atteindre l'ITM. Je disposais donc de deux ou trois tours de table pour trouver une bonne situation de double-up. Finalement, je n’ai pas eu besoin d’aller à l’abattage : j’ai poussé mon tapis deux fois avec des mains légitimes (deux Valets, puis deux Rois), et ces vols de blindes m’ont permis d’atteindre les places payées avec… 2,5BB.

ITM Panama
J’ai ensuite réussi à doubler trois fois pour gratter un palier de gains, avant de me faire éliminer en 36e position (pour 71 ITM).

25K High Roller One Day Event PSC Macau 2017

Je n’affectionne pas particulièrement les High-Rollers joués sur une seule journée. Leur structure « hyperturbo » augmente la variance, et donc le facteur chance. J’avais déjà joué six tournois de ce type sur le circuit sans jamais atteindre les places payées. Ce palmarès m’irritant particulièrement, j’avais une grande envie de conjurer ce mauvais sort.

Comme souvent sur ce genre d'épreuves, je n’ai pas trouvé de situation de double-up dans les premiers niveaux, juste des petits spots pour me stabiliser au tapis de départ. Les blindes augmentant rapidement, je me suis retrouvé à moins de vingt blindes au bout de quelques heures.

C’est précisément à ce moment qu’il est important de toucher de belles mains. Malheureusement, j’ai été complètement « card dead » et j’ai dû fold toutes les poubelles que je recevais pendant plusieurs niveaux d’affilée. Lorsque je suis tombé en dessous de dix blindes, je me suis montré très patient, je savais qu’en partant à tapis j’avais de fortes chances de me faire payer et j’ai donc fold des mains moyennes (comme des As faibles) en milieu de parole, ou des petites paires en début de parole.

Je me suis littéralement fait « déblinder », jusqu’à tomber à 2,5 blindes avant la pause-dîner, avec seize joueurs restants pour huit places payées. Cette sensation de mourir à petit feu est vraiment désagréable, rien n’est pire que de se faire éliminer sans combattre.

Bizarrement, j’étais pourtant confiant et optimiste pendant le dinner break. Je savais que la moyenne était vraiment basse (autour de vingt blindes) et que tout restait donc possible. J’avais seulement besoin d’un peu de réussite, et le tirage du bouton à deux tables restantes avait son importance.

Rail Macao
J’ai donc demandé à Stéphane Matheu, LeVietF0u, FabSoul, Aladin, Michel, Clochette et d'autres de venir me supporter, en sachant très bien que les premières mains seraient cruciales.

Avec un tapis inférieur à cinq blindes, je consulte régulièrement l'application Snapshove entre les mains : elle m’indique la range avec laquelle je dois partir à tapis selon ma position. Le tirage du bouton avait été mauvais, je me suis retrouvé under the gun à la reprise, et l’appli me disait de faire tapis avec 80% des mains possibles ! Je ne maîtrisais donc plus l’avenir de mon tournoi.

J’ai ouvert Dame-6 dépareillés... et j’ai donc fait tapis. Un autre shortstack a fait tapis par-dessus, et un autre a payé avec Roi-Dame. J’étais mal barré pour tripler et lorsque le flop Roi-9-5 est tombé, c’était encore pire. Mais le turn et la river m’ont offert une quinte miraculeuse ! Le rail était en folie, et grâce à ce triple-up et le vol de la grosse blinde et des antes, mon tapis est remonté à dix blindes !

Deux mains plus tard, j’ai de nouveau fait tapis au bouton avec Dame-6 (assortis cette fois), et je me suis fait payer par As-Valet. L’apparition d’une dame sur le board m’a permis de doubler de nouveau et d’atteindre la moyenne. Après la fétiche "Dame-ouitre", on peut désormais ajouter une nouvelle main porte-bonheur à ma collection. #Q6ftw !

Après autant de réussite, ne pas atteindre les places payées aurait été douloureux, mais le manque de belles mains a continué jusqu'aux portes des places payées. Réunis à neuf joueurs en table finale pour la bulle, Jack Salter a doublé avec As-Roi contre AA et le scénario catastrophe s’est dessiné.

J’ai alors le plus petit tapis avec 6,5BB. Les autres joueurs shortstacks s’en rendent compte et attendent mon élimination avant de prendre le moindre risque. J’ai reçu AJ en début de parole, et je n’avais plus le choix : je devais faire tapis. Heureusement, personne ne m'a payé sur ce coup qui m'a permis de passer devant Fabian Quoss. À son tour de prendre un risque, il fait tapis avec As-5 et se fait payer par Roi-Dame et… une paire d’As !

25K ITM
Ouf, je suis dans l’argent avec moins de cinq blindes - ma nouvelle zone de confort, en somme - et tout reste possible, surtout que chaque palier a son importance.

Bust Macao
Je vous épargne les détails, mais après plusieurs double-up et quelques éliminations, je me suis retrouvé à quatre joueurs restants avec un tapis dans la moyenne. Le coup qui scella mon sort ? Un As-10 qui ne tient pas contre le As-9 de Nick Petrangelo : il m'éliminera quelques mains plus tard en quatrième place, une position bonne pour un peu plus de 165 000 dollars. (Cliquez-ici pour retrouver le compte-rendu de Benjo sur place et les photos de Caroline Darcourt)

La philosophie du short stack

Davidi Kitai
Sur ces trois tournois, le scénario fut très similaire. Je me suis accroché longtemps avec un petit tapis pour atteindre les places payées puis j’ai entamé une remontée spectaculaire avec le peu de jetons qu’il me restait.

La leçon que je retire de ces expériences, c’est une leçon de vie. Il faut toujours y croire, ne jamais abandonner. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.

Le poker a cela en commun avec le sport, que tout n’est jamais terminé avant la fin de la partie, du match, du combat, de la course… Les valeurs de courage, de détermination et de persévérance forgent le mental des grands champions dans toutes les disciplines.

Souvenez-vous de la remontada du FC Barcelone contre le PSG ! Menés 4-0 à l’aller, ils sont parvenus à s’imposer 6-1 au retour, en marquant trois buts dans les sept dernières minutes. Ou encore, pour les plus anciens, cette magnifique remontée de David Wottle sur le 800 mètres des Jeux Olympiques de 1972.

Alllllllez saluuuuuuut , COAD !


KitBul

EPT, WPT, WSOP : pas un circuit majeur n’a résisté à l’appétit de victoire du Belge du Team Winamax, qui n’est pas pour autant rassasié.

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