[Blog] Mes trois pires gamelles

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Cela fera bientôt dix ans que je joue au poker. Forcément, j’ai connu beaucoup de hauts, mais je n’ai pas été épargné non plus par des périodes un peu plus creuses et difficiles à gérer. Pour cet article, je me suis amusé à faire le Top 3 de mes pires downswings en y ajoutant quelques anecdotes. Mon but : vous rassurer, et faire réfléchir sur l’incidence des bad runs sur une carrière dans le poker.

Dans l’ordre chronologique…

1/ Été 2008

J’ai 19 ans, je viens de quitter une école d’ingénieur qui ne me plaisait pas, et je décide de creuser ma passion du moment, le poker : je m’investis dedans à 100%. (Remarque au passage : aujourd’hui, en 2016, cela serait une très très mauvaise idée que de quitter ses études pour se consacrer entièrement au jeu !)

A cette époque, ma progression m’avait amené aux tables de No-Limit à 2$/4$, et j’avais fait la transition vers le format heads-up. Ma bankroll est de 16 000$. En 2008, le jeu en tête à tête était encore relativement nouveau. Les pratiques (aujourd’hui honnies) de bumhunting (ne jouer exclusivement que des joueurs très faibles) ou d’ouvrir des tonnes de tables pour attendre le « client » n’existaient pas encore. De même, personne ne savait vraiment ce qu’il faisait. Les fluctuations étaient beaucoup plus importantes qu’en full ring ou en 6-max. Bref : c’était un peu la jungle !

Ce downswing n’aura duré que quelques jours. J’ai tout d’abord perdu 6 000$ en NL400, puis 5 000$ en NL200, soit un total de quarante caves ! Jusque-là, ma plus grosse perte ne représentait que quinze caves, et voilà que je me retrouvais à perdre 70% de ma bankroll en moins d’une semaine, pile alors que j’avais pris la décision d’arrêter les cours – autrement dit le pire moment imaginable.

Forcément, j’ai pris un gros coup au moral. Aujourd’hui encore, je crois que cela reste mon pire souvenir de poker. En particulier à cause du doute que cette phase a installé chez moi. Soudain, je n’étais plus sûr de mon jeu, je me mettais à tilter, je jouais mal, je savais que je jouais mal, mais je jouais mal quand même. Point positif de ce downswing : il m’a donné un coup de fouet de dingue, je me suis remis à bosser mon jeu à fond. Et heureusement pour moi, les semaines suivantes se sont beaucoup mieux passées : ce fut le point de départ d’une ascension fulgurante et quelques mois plus tard, j’étais installé aux tables à 5 000$ la cave.

Bankroll perdue : 70%

2/ Hiver/Printemps 2010

C’est à cette période que j’ai commencé à beaucoup jouer les parties de Mixed Games et de Deuce to Seven. Particularité de ces variantes : elles étaient énormément jouées sur les très grosses tables online, sur les tables 400$/800$ jusqu’aux tables 1 500/3 000$ ! À mes yeux, les tables de cette époque, même les plus chères, étaient toutes très soft : c’était le moment où jamais de « faire un écart », c’est-à-dire gagner de très grosses sommes en peu de temps. Les mois suivants, j’allais donc tenter de m’installer dans les parties très chères mais systématiquement, à chaque fois que je tentais le coup, c’était la débandade. Rien ne se passait comme prévu, mes adversaires jouaient beaucoup plus loose que ce à quoi j’étais habitué, je m’adaptais mal, je ne jouais pas aussi bien que ce que je pensais, et puis le bad run

Cette phase a duré à peu près six mois et fut assez frustrante pour moi et de nombreux amis : étant donné le tarif élevé des parties, j’avais vendu pas mal d’action, entraînant un paquet de potes dans ma spirale infernale.

Résultat des courses : presque la moitié de ma bankroll est partie en fumée. Avant ce downswing, celle-ci avoisinait le million de dollars. La suite, vous la connaissez peut-être : après de multiples tentatives, le shot passe enfin, et je fais notamment un mois à sept chiffres ! La bataille pour s’installer sur ces tables « nosebleed » fut longue, mais je finis par la remporter…

Bankroll perdue : 40%
 

3/ Septembre 2014

A ce moment, je suis confortablement installé en nosebleed depuis plusieurs années. Mon jeu est au top, cela fait notamment deux ans que j’écrase les parties de Deuce to Seven et de Mixed Games avec des taux de gain horaire qui dépassent l’imagination. Gus Hansen commence peu à peu à s’éclipser, l’action diminue progressivement.

Néanmoins, un groupe d’Allemands est prêt à me batailler en duel sur les tables aux enchères 2 000$/4 000$. Pour les avoir beaucoup joués en 6-max, je les connais bien. Ils sont très bons mais je pense avoir décelé quelques fuites dans leur stratégie. La partie sera difficile mais j’aime le challenge, et surtout je suis plus confiant que jamais dans mon jeu.

Le combat contre eux durera deux semaines, avec des parties à peu près tous les jours. J’ai bossé mon poker comme un acharné histoire d’être à la hauteur. J’avais notamment rempli un fichier Word de dix pages où la stratégie de chaque Allemand était détaillée, afin de pouvoir exploiter la moindre petite déviation au jeu optimal ("GTO") que j’observais. Après chaque partie, je mettais le fichier à jour avec de nouvelles notes.

Hélas, même en mettant toutes les chances de mon côté, et en ayant (je pense) l’avantage technique, cette semaine fut un véritable massacre. J’ai cramé presque 600 « big bets » de 4 000$, soit… 2,4 millions de dollars. Heureusement, comme j’avais depuis longtemps pris l’habitude de vendre des parts de mon action sur les grosses tables, notamment sur les parties les plus compliquées, le swing fut un peu moins dur à encaisser.

Néanmoins, je considère l’expérience sous un angle positif. Ce fut sûrement l’affrontement le plus intense de ma carrière dans le poker. Certes, il s’est soldé par les plus grosses pertes que j’aie jamais connues, mais j’étais dans de bonnes conditions, ma confiance était au beau fixe, et j’avais beaucoup travaillé : cela m’a permis d’accepter beaucoup mieux la défaite que dans le passé.

Bankroll perdue : 15%


Au poker, on ne peut pas tout maitriser. Vous aurez peut-être la chance de faire partie du Top 5% des chattards, ou à l’inverse le Top 5% des poissards. Ou peut-être vous serez pile dans la moyenne : ni trop chanceux, ni trop malchanceux. Dans tous les cas, ce n’est pas quelque chose que vous contrôlez : la seule chose à faire est donc d’accepter les faits, et vous concentrer sur le reste. Donnez le meilleur de vous-même : cela n’effacera pas les bad runs, mais cela les rendra assurément plus faciles à vivre, car vous ne vous en voudrez pas, et vous resterez plus lucide.


Alexonmoon

En ligne, il a affronté, et battu les meilleurs joueurs du monde dans toutes les variantes imaginables, pour des enjeux stratosphériques. Au sein du Team Winamax, l’objectif d’Alexandre Luneau est clair : faire la même chose en tournoi live… et s’emparer d’un bracelet de Champion du Monde !

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