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[Blog] L'overbet : un outil indispensable

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Sylvain Loosli
Pour faire suite au très intéressant article d’Alexandre Luneau sur les sizings, j’ai décidé de consacrer ce billet à l’overbet, et vous donner quelques pistes pour l’inclure dans votre stratégie.

Si miser plus cher que la taille du pot est un move encore peu utilisé en tournoi, en raison des profondeurs des tapis moyens, il l’est beaucoup plus en cash-game. Il peut notamment s’avérer très utile en live, où les joueurs sont régulièrement cavés à 300 blindes ou plus : il est en effet possible de jongler avec la taille de ses mises en créant des situations complexes pour nos adversaires, particulièrement face à des ranges dites « cappées » (c’est-à-dire un éventail de mains ne contenant pas les jeux max.)

En début d’année, une équipe de joueurs considérés comme faisant partie des meilleurs mondiaux a essuyé une cinglante défaite contre Libratus, une intelligence artificielle développée par une université. L’un des facteurs qui a mis à mal les joueurs humains ? Je vous le donne en mille : l’utilisation de l’overbet par l’ordinateur. Les pros se sont retrouvés dans beaucoup de situations délicates, faisant face à des mises de deux fois à cinq fois la taille du pot. Difficile, dans ces conditions, de s’adapter rapidement et de jouer ses ranges de manière optimale.

2009 : l’invention de l’overbet

Tom Dwan
Souvenez-vous du match épique entre Viktor « Isildur1 » Blom et Tom « durrrr » Dwan en 2009. Ces deux terreurs s’étaient affrontées en ligne sur des blindes 500$/1 000 $ pendant plusieurs jours d’affilée et au cours du match, massivement suivi par la communauté, les deux joueurs ont abusé des gros sizings et étaient capables de « dépolariser » leurs ranges d’overbet. C’était probablement la première fois qu’on assistait à une telle utilisation de ces sizings. Au lieu d’avoir une range composée de mains très fortes ou de purs bluffs, les deux joueurs valorisaient également finement dans des situations où la range adverse était cappée et où ils avaient beaucoup de combinaisons de bluff possibles.

Bien sûr, c’était une toute autre époque. Les dynamiques étaient alors complètement folles et les ranges loin d’être équilibrées. Personne ne parlait alors de stratégie « GTO ». J’invite les curieux à consulter les plus gros pots joués lors de ce match sur le site HighStakesDB. Certaines mains valent le détour !

Auparavant, la très grande majorité des joueurs se contentait d’un sizing de deux tiers du pot sur chaque street, sans trop réfléchir aux conséquences. Quelques très bons joueurs utilisaient déjà l’overbet, mais ce match entre Isildur et Dwan fut une grande source d’inspiration pour bon nombre de joueurs de cash-game et a beaucoup influencé les tendances en matière de sizing.

Pourquoi overbet ?

En théorie, si nous sommes en mesure d’overbet certaines mains sur une ou plusieurs streets, c’est parce que nous avons un avantage de range considérable. On veut alors pouvoir maximiser notre value lorsqu’on a la meilleure main plus de 90% du temps et également maximiser notre fold equity avec nos combinaisons de bluffs. Comme mentionné plus haut, le choix d’un sizing supérieur à la taille du pot s’applique particulièrement bien lorsque la range adversaire est cappée.

Un petit exemple d’une main jouée par Donger Kim contre Claudico (l’intelligence artificielle qui a précédé Libratus) :

No-Limit Hold’em Heads-up – 200BB deep
Blinds 50/100
Dong Kim : 76
Dong Kim raise 250, Claudico call
Flop K92 (pot : 500)
Claudico check, Dong Kim bet 375, Claudico call
Turn 6 (pot : 1 250)
Claudico check, Dong Kim check
River 6 (pot : 1 250)
Claudico bet 125, Dong Kim raise 1 625, bot raise 19 375 (all-in)

Exemple typique où la range de Dong Kim ne contient jamais de full (une range cappée, donc), contrairement à celle de Claudico qui peut avoir toutes les combinaisons de 22, 96, K6, 62 assortis…

L’utilisation des blockers

L'homme contre la machine
Claudico (la première IA affrontée – et battue - par les humains lors du premier match « Brains vs AI » en 2015) utilisait déjà des sizings d’overbets, mais elle ne prenait en revanche pas assez en compte les blockers. S’il est logique d’utiliser des sizings très larges d’overbets en bluff dans certaines situations, ne pas tenir compte des blockers peut nous amener à ne pas bluffer les combinaisons optimales.

Exemple: sur un board JT4KQ, si on décide d’inclure dans notre range d’overbet  des mains qui n’ont aucune showdown value, entre 32 et 32, on préfèrera utiliser celle contenant le 3, qui bloque des combinaisons de mains fortes dans la range adverse.

Grâce aux remarques et commentaires des adversaires de Claudico lors du premier match, les chercheurs travaillant sur le développement de Libratus ont donc modifié l’IA (il y avait certains sizings qui étaient mal interprété par l'algo, notamment) pour prendre en compte les blockers. Les résultats ont été plutôt probants…

En pratique

S’il est très difficile d’équilibrer une stratégie d’overbets dès le flop, c’est en revanche plus facile sur le turn et à la river (l’arbre des possibilités est moins long !)  Même si vous n’avez pas nécessairement besoin de jouer équilibré en MTT ou en cash-game contre certains joueurs, choisir une stratégie trop exploitable contre des adversaires intelligents risque de vite se retourner contre vous et de vous coûter cher. Vous pouvez donc envisager d’inclure des overbets dans votre stratégie dès le turn.

D’expérience, le pool des joueurs s’adapte en moyenne assez mal aux overbets, qu’ils ne rencontrent que rarement, particulièrement en MTT. Ils vont donc trop souvent fold sur certains spots, et trop souvent call dans d’autres. Vous pouvez ainsi exploiter des erreurs classiques, comme des mauvaises constructions de range avec des mains fortes jouées en mode « fastplay » (agressivement)  au flop/turn (et donc peu de slowplays), ou pas assez de floats sur certaines textures de boards. Cela vous donne l’opportunité d’overbet en bluff profitablement sur de bonnes combinaisons turn/rivière pour votre range. Moralité ? Si vous n’équilibrez pas un minimum vos ranges de défense, vous ouvrez la porte à de bons joueurs pour vous mettre un maximum de pression dans certains spots.

Dans la vie comme au poker, l’équilibre est la clé !

Sources
My Reflections on the First Man vs. Machine No-Limit Texas Hold ’em Competition - Sam Ganzfried

Two all-in river overbets, which one to call?


Loosli

En 2013, Sylvain est rentré dans l’histoire du poker tricolore en accrochant la 4e place du Main Event des championnats du monde. Le début d'un parcours d'exception au sein du Team Winamax.

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