[Blog] L'objectif d'une vie
Par Tournois Live
dansLorsque ces lignes seront publiées, le Main Event des World Series of Poker aura tout juste débuté. J'ai écrit ce texte il y a une dizaine de jours. J'y tenais, car je pense que cela pouvait m'aider à mettre mes idées en place avant le tournoi qui m'importe le plus au monde.
Je l'ai déjà dit plein de fois au fil des années, et tout récemment je le répétais encore dans le documentaire que m'a consacré Winamax : le Main Event est le rêve ultime de ma carrière de joueur pro. Plus qu'un rêve, en fait : c'est tout bonnement mon objectif ultime. Certes, avec plus de 10 000 joueurs à battre, le projet est ambitieux. Mais il est réalisable ! Car OK, le field est gigantesque... mais vous savez quoi ? Ma longévité et mon expérience le sont aussi, ha ha !
Si je fais les comptes, je l'ai déjà joué dix-sept fois, ce tournoi... et je suis prêt à parier que je le jouerai encore vingt fois supplémentaires, minimum. J'évoquais mon expérience... Développons un peu. Quels sont mes atouts sur le Main ? Selon moi, c'est...
1. L'envie
Vous m'avez peut-être entendu citer Jacques Brel dans le documentaire : « Le talent, c'est l'envie ». C'est aussi ma conviction. Il n'y a pas d'autre secret : il faut avoir plus envie que les autres.
Vous me répondrez que tout le monde a envie de gagner le Main Event. Et c'est vrai. Mais en parlant avec les autres joueurs du circuit, j'ai souvent pu me rendre compte que personne n'en a autant envie que moi.
Il y a par exemple les blasés. « Ouais, c'est un tournoi comme un autre ». D'autres ont des objectifs différents. « Moi, je veux gagner un High Roller ou un Super High Roller ». Chacun poursuit un but qui lui est propre, et généralement cela ne sera pas un tournoi en particulier. De mon côté, mon envie de gagner le Main Event est tellement forte qu'elle me fait jouer mon A-game. Sur chaque main, je donne ma vie. Que ce soit pendant les coups ou entre les coups, je me concentre à fond sur une tonne de détails.
Être à fond entraîne un vrai danger : je prends le risque de perdre ma concentration au cours de la journée, surtout à la fin des niveaux puis à la fin de la soirée. Chaque Day est très long, une bonne douzaine d'heures. Savoir rester « focus » est primordial, et Stéph' a été d'une grande aide, me donnant des techniques pour y parvenir.
2. Le poids des années
Chaque année, j'ai l'impression d'être plus fort que l'année précédente. Le Main Event est un tournoi unique au monde, aucun autre ne lui ressemble, avec sa structure exceptionnelle, son field incroyablement hétérogène et l'importance cruciale de l'ICM.
À chaque nouvelle édition, il est primordial de savoir tirer les leçons de l'an passé. Ayant joué chaque Main Event WSOP depuis 2006, j'ai pu progresser et acquérir de l'expérience à chaque participation. Les stratégies à employer pour aller loin sont nombreuses et diverses. Il faut savoir passer de l'une à l'autre au bon moment. Chaque deep run que j'ai pu signer m'a permis de mieux négocier les différentes phases du tournoi.
C'est d'ailleurs l'an passé que j'ai signé mon meilleur résultat sur le Main Event. Pour la première fois, j'ai atteint le Day 5. Ce fut mon dernier jour... car je ne l'ai pas super bien géré. Mais j'ai appris de mes erreurs. Je suis convaincu que la prochaine fois que je me retrouverai dans la même situation, je parviendrai à mieux appréhender les évènements.
Comme je l'ai dit, les profils de joueurs que l'on rencontre sont, eux aussi, très variés. Chaque année, j'apprends comment exploiter au mieux chaque type d'adversaire. Vers la fin, beaucoup de joueurs sont tiraillés par la pression financière, avec des paliers de plus en plus gigantesques. Là encore, mon expérience me permettra de mieux profiter de cet aspect, en mettant la pression pour tourner le facteur ICM en ma faveur.
3. La stratégie
Beaucoup parmi les top regs appliquent sur le Main Event la même stratégie que sur n'importe quel autre tournoi : ils la jouent « Full E.V. », c'est-à-dire qu'ils prennent tous les spots du moment qu'ils sont EV+. Mais d'autres, dont je fais partie, y vont un peu plus « pépouze ».
J'apporte une très grande importance à la notion de survie dans le Main Event. Pourquoi ? Parce que...
Il s'agit d'un tournoi exceptionnel, par sa structure très deep et l'edge important dont disposent les pros. Cela nous impose de bien choisir nos spots. Hors de question pour moi de risquer tous mes jetons sur un coup avec seulement 52% en ma faveur, alors qu'on peut trouver des spots beaucoup plus intéressants, où on peut se rapprocher sérieusement des 100 %.
Il s'agit d'un tournoi exceptionnel (bis)... du simple fait qu'il n'est programmé qu'une seule fois par an ! Cela renforce l'aspect « plus beau tournoi du monde ». On voudra donc limiter la variance au maximum.
Sur le Main Event des WSOP, ma stratégie est de jouer au chat et à la souris avec la variance. J'opère des gros changements de vitesse. Attention : je garde en tête la notion de survie, bien sûr, mais si je monte un gros tapis, alors je pourrai par exemple prendre des spots plus « close », plus risqués, car perdre quelques jetons ne me mettrait pas en danger. Aux moments opportuns, je pourrai tenter un move très « variancé ».
Finalement, si je devais résumer ma philosophie en tournoi, ce serait : prendre des risques quand personne ne veut en prendre, et inversement.
4. Le jeu exploitant
Le profiling des adversaires : c'est pri-mor-dial sur un tournoi comme le Main Event. Tous les types de joueurs sont représentés, toutes les générations, les origines, les bankrolls, les niveaux, les façons de voir la vie. Aucun autre tournoi à 10 000 $ l'entrée n'offre une telle diversité.
Très nombreux au départ, les Américains un peu plus âgés joueront généralement très serré : ils sont plutôt faciles à jouer. Les jeunes Américains sont plus agressifs, mais vont beaucoup moins bluffer que les Européens. Il y a aussi les Latinos : souvent, ils seront les plus fous. Bon, ces exemples constituent des généralités, il faut les prendre avec des pincettes. Il y aura toujours des exceptions.
Le but est de comprendre le plus rapidement possible son adversaire et s'y adapter. C'est différent d'une partie en ligne où l'on s'efforce d'exploiter les tendances globales du field. Certains essaieront aussi de tendre vers l'équilibre GTO, mais pour moi, en live c'est différent. Il faut jouer le joueur. On s'adapte spécifiquement à ceux qui nous font face : on veut comprendre leurs tendances, et toujours être au courant de leur état psychologique. Exploiter sa propre image est aussi un élément important, qui m'apporte un gros edge sur ce genre de tournoi (j'ai déjà abordé le sujet dans un blog précédent).
On y croit ! Comme on a dit ! Allez saluuuuuut.
Kitbul
[NLDR : Suivez Kitbul sur le Main Event des WSOP, le reste du Team Winamax, et tout le contingent tricolore grâce au reportage le plus complet du marché !]