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[Blog] Le droit de rêver

Par dans

Chaque année, c'est la même excitation qui nous gagne. Début juillet, les jours se font longs, les réveils au milieu de la nuit s'intensifient jusqu'à ce que cette boule au ventre nous gagne au moment où nous retirons le précieux ticket. Un bout de papier cartonné de 12 centimètres sur 4 qui vaut 10 000 dollars. En échange, nous avons le droit de participer à l'épreuve qui est loin d'avoir usurpé l’appellation de plus beau tournoi du monde : le Main Event des World Series Of Poker. On a tous rêvé plus d'une fois de ce tournoi et de ses enjeux. Et que ce soit pour finir le festival en beauté suite à de belles performances ou pour éviter une bonne cagoule après un été compliqué, il n'y a pas un participant qui s'avance dans l'arène sans penser, dans un coin de sa tête, qu'il va s'imposer. Cette année, c'est la bonne ! Le moment de réaliser la performance ultime : devenir Champion du Monde de poker.

Souvenirs et road trip

Cela fait déjà quatre ans. Quatre ans que j'ai tant vibré sur ce tournoi. Que le temps passe vite... Quatre ans à arpenter le circuit et je n'ai jamais ressenti avec autant d'intensité les sentiments qui m'ont traversés cette année-là durant ces sept jours de poker.

En 2012, j'avais vécu un tournoi incroyable pour ma première participation. Chipleader dès la fin du Day 2, je n'avais que rarement quitté le haut du classement tout au long du tournoi. Les journées s'enchaînaient et se ressemblaient. Ce n'est qu'à partir du Jour 7, l'ultime avant novembre, que j'avais été plus en difficulté. Une dernière journée sous pression qui s'était conclue par mon élimination brutale en dixième place aux portes de la table finale... J'avais échoué si près du but ! Il m'a fallu plusieurs jours pour relativiser et me dire que j'ai eu la chance inouïe d'effleurer du bout du doigt le rêve de tout joueur de tournoi : atteindre la table finale du Main Event des WSOP.

D'un côté, on se dit que c'était certainement la chance d'une vie, que c'est fini et que ça ne se reproduira plus. Mais à peine de retour au Rio, on a envie de remettre le couvert, de vivre à nouveau ces émotions. Ce moment où le sac pour emballer les jetons est trop petit tellement votre tapis est important, les messages d'encouragement de la communauté qui s'accumulent pour vous supporter, les équipes d'ESPN qui commencent à vous traquer...

Alors oui, j'y croyais à nouveau quand je me suis pointée à nouveau en 2013. Mais j'ai été éliminée très rapidement. Rebelote en 2014. Et en 2015, je n'ai pas pu participer car je pouponnais de notre côté de l'Atlantique. C'est donc avec beaucoup d'excitation, et toujours persuadée de pouvoir à nouveau recommencer, que j'ai pris part cette année pour la quatrième fois au Main Event. Et comme en 2012, j'ai décidé de réaliser un petit road trip dans les parcs nationaux autour de Vegas avant l'épreuve. Pas par superstition, mais histoire d'arriver avec les batteries complètement rechargées avant d'attaquer ce tournoi marathon qui s'étend sur dix jours.

Une stratégie bien établie

Je ne vais rien vous apprendre en vous disant que la structure du Main Event est incroyable. Néanmoins, beaucoup de joueurs semblent l'oublier. Les niveaux de deux heures et l'augmentation très progressive des blindes permettent d'adopter un jeu avec peu de variance. Ces paramètres, cumulés au faible niveau de jeu pour un événement au droit d'entrée si cher, font qu'on peut se permettre de sélectionner ses mains et d'attendre les bons spots bien plus longtemps.

C'est une structure parfaitement adaptée à ces joueurs que j'appelle les « faux tights ». Le « faux tight » est l'un des profils de joueur les plus pénibles à jouer. Il a souvent une bonne image, a montré des mains aux showdowns, toute la table le prend pour un joueur serré. Il est respecté. Jusqu'à ce qu'il change totalement de vitesse, prenne quelques bons spots et place des cold 4-bets, avant que quiconque n'ait le temps de s'adapter. Lorsque ses adversaires se rendent compte qu'il n'est finalement pas si serré que ça, il va s'adapter à nouveau et resserrer son jeu pour essayer de toujours avoir une longueur d'avance. Le « faux tight » n'est pas le profil à faire de gros spews. Une fois qu'il a des jetons, il sera d'autant plus pénible à jouer.

Le Main Event permet d'appliquer cette stratégie à merveille. Évidemment, cette image de « faux tight » fonctionne bien mieux contre des joueurs amateurs et si vous n'êtes pas trop connu. Les bons joueurs vont vite s'apercevoir de votre petit manège et s'adapter en conséquence plus rapidement. À une table où figuraient de nombreux amateurs, j'ai pu user et abuser de cette tactique, ce qui m'a permis de monter un tapis quasiment deux fois supérieur à la moyenne en fin de journée.

Petit conseil supplémentaire si vous décidez de prendre part au Main Event : il est interdit de s'enregistrer tardivement ! C'est le meilleur moyen de se retrouver à une table remplie de joueurs réguliers alors que toutes les autres comptent en moyenne une seule (voire aucune) tête connue. Ce serait dommage de devoir affronter les meilleurs du circuit pendant les dix premières heures de jeu alors que la salle est peuplée d'amateurs !

Pour vous donner un exemple, lorsque le coup d'envoi est donné, un des joueurs à ma table semble totalement perdu. Il n'a pas l'air de savoir qu'il faut poster les blindes, il ne sait pas si on lui fera de la monnaie lorsqu'il paie une relance et ne connait même pas les possibilités qui s'offrent à lui lorsque c'est à son tour de jouer. Après quelques échanges, tout s'explique : il nous apprend qu'il a gagné son ticket à un jeu de grattage et que c'est le premier tournoi de sa vie. Un jeu de grattage ! Le malheureux connaissait à peine les règles du jeu. Inutile de préciser qu'il n'a pas fait long feu et a été éliminé avant la deuxième pause de la journée. J'ai bien entendu tout fait pour avoir ma part du gâteau en jouant toutes les mains dans lesquelles il était impliqué.

L'envol... puis l'atterrissage

C'est ensuite le deuxième jour qui m'a permis de prendre mon envol puisque je termine dans le Top 20 après une journée de rêve où, en plus de toucher de nombreuses belles mains, tout ce que j'ai tenté a abouti. Le tournoi a alors commencé à me rappeler de bons souvenirs... Les caméras d'ESPN m'ont alpaguée et ne m'ont plus lâchée, utilisant leurs méthodes traditionnelles : « On peut faire une petite interview de deux minutes à la pause ? » Résultat : ils me transfèrent dans une petite pièce perdue dans le Rio, test lumière, test son, vingt minutes de question et voilà une pause anéantie ! Mais difficile de leur en vouloir : eux aussi font leur boulot et le résultat final est excellent.

Je m’apprête à aborder la bulle avec un gros tapis de trois fois la moyenne et, vous le savez, je ne suis pas du genre à faire n’importe quoi dans ces moments-là. Je me contente de maintenir mon tapis en profitant de la structure. Je n'ai pas pris autant de plaisir à jouer depuis longtemps. Chaque journée passée me procure des émotions de plus en plus fortes et, à la différence de 2012, je me sens bien plus sereine. Quatre ans sur le circuit, cela vous rode, vous permet de voir de nombreuses situations, de mieux évaluer ce que représente votre tapis, et ainsi de ne pas paniquer une fois tombée dans une zone rouge qui ne l'est jamais vraiment sur le Main Event. Tomber à huit ou neuf blindes ? Ce n'est pas si grave !

J'ai l'état d'esprit qu'il faut et sais que la route est encore très longue, aussi j'entame le Day 5 en ayant réfléchi à ma stratégie. Comme à mon habitude, je prends le temps d'étudier mes futurs adversaires en jetant un œil à leur palmarès et aux mains qu'ils ont jouées durant le tournoi grâce aux différents reportages. Alors que nous sommes un peu moins de 200 (3% des joueurs au départ) et que je suis au-dessus de la moyenne, la table n'est pas très bonne car les bons joueurs agressifs ont la position sur moi.

Et malheureusement, je me retrouve rapidement shortstack en ayant perdu beaucoup de petits pots tandis que les joueurs à ma gauche montent des gros tapis. C'est le moins bon scénario possible ! J'ai également l'inconvénient d'être en table télé : le jeu y est bien plus lent que sur les autres tables et l'un des joueurs prend énormément de temps à prendre ses décisions, ce qui commence à m'agacer puisque j'essaie à présent de maintenir mon tapis autour d'une vingtaine ou trentaine de blindes.

Gaëlle en compagnie de son bourreau, le fantasque Américain Alex Keating.

C'est seulement après la pause dîner que notre table est déplacée à l'écart des projecteurs et qu'un rythme de jeu plus soutenu reprend. La frustration de la table télé passée, je me retrouve totalement privée de cartes. Mon tapis ne cesse de diminuer, je degrind progressivement et vais même jusqu'à tomber à quatre blindes, ne trouvant aucun spot de resteal ou de push favorable. Autour de moi, le public commencer à se masser, tout comme les caméras qui attendent de me voir faire tapis pour doubler ou être éliminée. Je les vois souffler de dépit à chaque fois que je passe une main !

Un espoir vient néanmoins illuminer ma journée. Je trouve enfin mon spot de push avec quatre blindes et une paire de deux. La grosse blinde, qui possède 10-3, me paie. Un 10 dès le flop me met un sacré coup au moral. Le turn est une brique et, moment inoubliable, tout le rail se met à appeler un deux. « Deuce ! Deuce ! Deuce ! ». La table a le sourire aux lèvres, les caméras sont fixées sur nous, les reporters agglutinés... Et le croupier retourne alors un 2 inespéré sur la rivière !

La table est euphorique, je fais un bond sur mon siège, le rail exulte. Les joueurs aux autres tables se demandent ce qu'il se passe. S'ils savaient que c'est pour un pot de dix blindes ! Je reprends espoir mais seulement pour une courte durée. Quelques instants plus tard, je trouve As-Valet en début de parole et mon tapis est payé par As-Roi. Cette fois, le miracle n'a pas lieu.

Je dois alors vivre ce terrible moment où il faut se lever, rassembler ses affaires et jeter un dernier coup d'œil à sa table avant d'aller se blottir dans les bras de ses proches. La pilule est d'autant plus difficile à avaler que je commençais réellement à y croire. Je termine 102e sur 6737. Cette journée est extrêmement frustrante mais je n'ai rien à regretter. J'ai suivi mon plan mais la variance n'a cette fois pas été de mon côté.

La frustration laisse finalement très vite place à la satisfaction d'avoir à nouveau deep run ce tournoi magique, avec à présent l'assurance qu'il sera toujours possible de faire mieux. Sans parler de cette bonne dose de kiff et de confiance récupérée pour repartir de plus belle pour cette nouvelle saison qui vient de débuter. En attendant le prochain Main Event !


O RLY

Une des premières vraies terreurs au féminin de la nouvelle génération. Un talent fou de choc et de charme !

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