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[Blog] En mode Expresso

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Les Expresso et moi, c'est une histoire qui a commencé il y a environ deux ans. Avant, je me contentais de les regarder de loin, comme une simple alternative pour les jours où j'avais moins envie de jouer en tournoi. Mais depuis quelques temps, j'avais parfois du mal à me lancer dans des sessions MTT le soir. Je me sentais fatiguée et je savais qu'il me serait impossible à partir d'une certaine heure de jouer mon A-Game. D'ailleurs, que l'habitué des tournois qui n'a jamais un jour souhaité se faire éliminer du dernier MTT où il est encore en vie à 2 heures du matin (et qui est aussi le moins cher de la soirée), alors qu'il reste encore plusieurs centaines de joueurs, lève la main. Je serais curieuse de le rencontrer !

Vous vous en doutez, quand cette sensation de ne pas vouloir jouer certains soirs est devenue de plus en plus fréquente, cela s'est transformé en une sorte de crise pour moi. Je ne comprenais pas cette dissonance. J'adore les tournois ! J'adore le format, je trouve ça à la fois divertissant et difficile (et donc stimulant) et j'ai passé des années à travailler pour devenir puis rester compétitive. Ne plus ressentir par moments cette envie de gagner me générait un mal-être tellement profond que je me devais de réagir. C'est comme ça que j'ai commencé à consacrer de plus en plus de temps aux Expresso. D'autant que sur pas mal d'aspects, ils me correspondent parfaitement : je peux jouer seulement quand je suis dans les bonnes conditions et, au moment où je sens que mon jeu commence à se détériorer, arrêter, faire une pause et reprendre quand j'en ai envie. Terminées les nuits blanches, finies les longues heures de mono-tabling au beau milieu de la nuit, je peux de nouveau jouer la journée, ce qui me convient bien mieux, et dîner tous les soirs avec mon copain.

Qui plus est, de par leur fonctionnement, les Expresso sont bien plus proches des tournois que ne le sont les tables de cash game. Surtout, ils gardent ce côté compétitif : il faut gagner, il faut finir premier, et c'est exactement ce dont une personnalité comme la mienne a besoin. Mais je n'imaginais pas l'incroyable défi qu'allait représenter cette transition.

Tu dois désapprendre tout ce que tu as appris

Entraînement Dagobah

Leo Margets en plein entraînement aux Expresso : une allégorie.

La première chose que j'ai faite dans ce sens-là a été de rejoindre une école de poker en ligne, Mento. Rétrospectivement, je suis très contente de ma démarche initiale de ne pas avoir pensé que, parce j'ai battu les hautes limites en MTT, j'allais automatiquement pouvoir faire la même chose en mid stakes sur ce nouveau format. Ensuite, je me suis rendu compte que, pour ne serait-ce qu'espérer être compétitif en Expresso, il faut y consacrer beaucoup d'heures. BEAUCOUP. Des heures de grind mais aussi de travail. En tant qu'habituée des tournois, j'avais développé des habitudes de jeu qui parasitaient ma progression sur ce format. Croyez-moi : désapprendre est infiniment plus difficile qu'apprendre et la tâche fut rude.

J'ai commencé sur les 10 € pour sonder un peu le field. Je n'ai pas eu trop de mal à battre la limite et, après deux mois, je suis passée aux 25 €. Je crois que c'est à ce niveau-là que se situe la plus grosse différence. Le niveau se durcit de façon spectaculaire, avec une plus grosse densité de joueurs réguliers. Bien sûr, il y en a de tous les genres, et tous ne se valent pas. Mais on rencontre beaucoup moins ces fameux joueurs qui partent à tapis sur toutes les mains parce que "c'est un x2, on s'en fout !"

Prendre des notes sur ses adversaires est toujours utile, mais à partir des 25 €, c'est primordial. Il faut donc le faire intelligemment. Écrire "Fait n'importe quoi" parce que le tilt a pris le dessus quelques secondes après avoir mangé un 2-outer n'est donc pas franchement optimal. Le lendemain, cela ne vous servira à rien. Regardez tous les showdowns, créez-vous un système de notation pour identifier les joueurs qui bluffent trop, pas assez, les calling stations, ceux qui relancent en bluff river, ceux qui s'adaptent bien, etc. Ces notes vous permettront de grignoter de l'EV contre ces joueurs-là.

Pour compléter ça, je vous recommande de rejoindre à votre tour une école de poker, même si vous êtes un joueur gagnant et que vous ne pensez pas en avoir besoin. Cela va vous aider à abandonner vos mauvaises habitudes (on en a tous) et à ne pas vous défiler au moment où vous êtes censés bosser. Quand je jouais uniquement en tournoi, je reconnais qu'il m'est arrivé de passer jusqu'à un mois sans travailler (sans compter l'été à Vegas). En Expresso, c'est impensable. À partir des 25 €, il faut impérativement bosser son jeu pour rester au niveau. Sinon, vous vous faites manger.

Un travail mental

Leo Margets Expresso 50K

Un 35/65 qui ne rentrera pas. Si près, si loin du jackpot.

Après plus d'un an à batailler sur les 25 €, j'ai décidé de monter sur les 50 € parce que je me sentais à l'aise, surtout en ce qui concerne les swings. Sur les 50 €, tu peux te retrouver down de plus de 40 buy-ins plusieurs jours d'affilée. Tout le monde n'est pas capable de l'encaisser. En fait, il faut savoir que notre cerveau est beaucoup plus affecté par le fait de perdre que de gagner. Cela vient d'un biais cognitif : l'aversion aux pertes. L'être humain déteste deux fois plus perdre qu'il n'aime gagner. Si l'on prend un exemple, pour compenser l'insatisfaction psychologique d'avoir perdu 2 000 €, il faudrait en gagner 4 000 ! [Note de la rédaction : si le domaine des biais cognitifs vous intéresse, nous vous renvoyons vers cet autre article de blog en deux parties de 2018 signé Adrien Delmas]

Je suis plutôt nit en ce qui concerne ma gestion de bankroll et, dans un premier temps, ces swings peuvent donner le vertige. Mais on finit par s'y habituer, surtout en se rendant compte que, mois après mois, on est dans le vert. Les swings font partie du jeu, et bien qu'ils existent aussi pour les joueurs de tournoi, la sensation n'est pas la même. En Expresso, tout se passe beaucoup plus vite. On perd plus rapidement et en une fraction de seconde on se retrouve à appuyer sur "Rejouer". Il est aussi plus facile de ne pas réaliser que l'on n'est pas dans le bon état d'esprit. Parfois, on joue sans s'en rendre compte, pour oublier ou atténuer la sensation d'avoir perdu précédemment. Il est donc capital d'en avoir conscience pour justement éviter ces situations et alors savoir mettre fin à sa session.

Je conseille également à tous ceux qui voudraient rejoindre l'univers impitoyable des Expresso de s'essayer à des simulateurs de variance. Connaître à l'avance quels peuvent être les pires scénarii possibles en cas de bad run peut vraiment aider à mettre les choses en perspective ainsi qu'à se préparer à leur éventualité.

Aujourd'hui, cela fait presque un an que je joue majoritairement les 50 € (environ 80% de mon volume), avec quelques passages sur les 100 ou les 25 € en fonction du trafic. Bien sûr, il y eut des jours au bout desquels j'ai pensé ne plus jamais retourner jouer en Expresso de ma vie mais, quand je prends un peu de recul, je suis hyper satisfaite de cette transition et de ce qu'elle signifie pour moi. Je me suis forgée une nouvelle routine de travail stricte, je joue au moins quatre heures par jour, cinq jours par semaine, contre des acharnés du format et j'arrive à en sortir gagnante... Pas si mal non ? Et en plus, avec tout ça je sens que mon niveau de jeu est monté en flèche. Étudier de façon régulière, même en se concentrant sur un format bien différent de celui par lequel j'ai découvert le poker il y une quinzaine d'années, a fait progresser mon processus de réflexion comme jamais.

Leo Margets Bag

Le live, c'est bien aussi !

Maintenant que j'ai eu le plaisir de retrouver le goût des tournois en live [c'était il y a quelques jours au Casino Gran Vía de Madrid NDLR], je vous embrasse et vous dis à très vite aux tables ou dans ces colonnes où je continuerai de vous raconter mes progrès !

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Leo Margets

Révélée par un mémorable deep-run sur le Main Event des WSOP, la Barcelonaise est l’une des figures emblématiques du poker Ibérique.

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