Winamax

Au dela du hasard

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Si vous êtes un lecteur assidu de mon blog vous aurez remarqué que je n'ai pas fini de vous raconter mes aventures au WSOP et au WSOP Europe, mes deux plus beaux résultats de 2010. Il y a deux raisons à cela.

La première, que nous appellerons "la raison indéniable", est la difficulté que j'éprouve à atteindre les touches de mon clavier étant donné l'énorme palmier que j'ai dans la main...

La deuxième raison est fine, plus psychologique et assez intéressante. Autant blogguer une table finale me replonge dans ces instants forts et me redonne confiance dans les moments de doute, lorsque les cartes ne sont pas de mon côté, autant raconter la fin - funeste - de mon tournoi est moins ma tasse de thé. C’est même devenu un syndrome épatant :
Tant que je ne finis pas mon récit, je suis encore dans le tournoi.

Etrange?

Peut être, mais mes proches pourront vous confirmer tout le mal que j'ai à communiquer sur mes sorties. Mon twitter s'enrhume et mon facebook se grippe. J'évite même parfois de croiser les journalistes en partant... (coucou BenHarper !).

C'est bête et mathématique! Tant que la nouvelle ne s'est pas répandue, je suis encore en course! En fait Je crois que j'ai du mal à dire que je suis sorti autant par ego que par peur de décevoir ceux qui croient en moi. Alors l'écrire en détail dans un blog, n'en parlons pas. D'ailleurs ce blog devait à l'origine être le dernier épisode des WSOPE et j'ai réussi à dévier et parler d'autre chose!

Oh bien sûr j'encaisse en apparence très bien et avec classe les éliminations. Je suis même réputé pour cela : je ne crie pas sur le pauvre croupier qui n'y est pour rien. Je m'efforce de respecter mes adversaires au point de systématiquement les gratifier d'un sourire, d'une tapote sur la table, et d'un "Good Game" qui n'a rien d'ironique. Mon amour pour ce jeu et pour la compétition me rappelle que sans adversaires, bons ou mauvais, il n'y a pas de compétition.
Soit la sortie est due à mes mauvaises décisions, et je n'ai rien à reprocher à personne, soit elle est due à la chance. Mais sans chance il n'y a pas de poker

Ma première défaite dans une table finale majeure, St Kitts; Nov 06 (sur un bad beat). Je souffre encore...

Ainsi je ne casse rien en rentrant, et je sais la chance que j'ai d'être là où je suis. Avec le recul je ne peux pas me plaindre! Mais ne croyez pas que je ne souffre pas pour autant, ne croyez pas que je suis blasé et surtout ne croyez pas que je m'installe dans un petit confort de joueur sponsorisé, qui n’aurait plus l’envie ni la rage de vaincre.

La réalité c'est que chaque sortie est un drame pour le compétiteur qui vit en moi, je laisse dans chaque salle de tournoi un petit bout de ma personne, de ma motivation, de mon optimisme et de ma confiance.

Et c'est tant mieux! Cette fierté, cet ego démesuré cette frustration est ce qui m'évite d'être usé par les déceptions qui accompagnent la vie d'un joueur du circuit. C’est le moteur qui fait que ma tête rembobine sans cesse le fil de la partie perdue et cherche ce qui aurait pu être différent, ce que j'aurait pu faire d'autre, ce que je ne referait plus.

Il n'y a que comme cela que je peux avancer.

Parfois des pensées moins constructives comme "pourquoi le pique est-il tombé rivière?" se forment dans mon esprit. Les phases sont classiques et vous les connaissez tous bien je pense. Cela va du "Pourquoi moi?" à "Qu'ai je fait pour mériter que le sort s'acharne sur moi?" ou encore « Quand cela s’arrêtera t-il ? »
Ces pensées doivent être chassées sans relâche, car le hasard amène au sentiment d’injustice. Le sentiment d'injustice amène à la colère, et la colère est le chemin vers le côté obscur de la force: La Superstition.
- PokerYoda

Superstitieux ou pas, tout le monde dans le poker a son lot de malheur à raconter, et semble être le plus malchanceux du poker mondial. Certains se font même payer pour (faire semblant d’) écouter les bad beats! En fait la malchance n’existe pas vraiment. Ne faites pas l'innocent derrière votre écran, je vous entends d'ici! Vous êtes en train de penser:
"Facile à dire pour lui, s'il voyait ce que je me prends en ce moment".

La phrase en elle même est typique du déni, le joueur "subit" les choses et se dédouane donc de toute responsabilité et de tout contrôle sur son sort. Le poker est heureusement un jeu de décision sur le long terme, j’ai joué plusieurs millions de mains dans ma jeune carrière et je pense pouvoir parler de ce qu’est la variance. Je conclurai donc ce blog décousu mais franc sur une citation qui m'a beaucoup servi. Elle vient de Ben Roberts, un grand joueur de cash game qui a passé l'épreuve du temps dans le poker.
Ne vous fatiguez pas avec la chance.
A la fin, vous aurez eu la carrière que vous avez méritée.
-Ben Roberts